30 juin 2012

Le temps des mémoires





 La dernière quinzaine de juin est traditionnellement pour moi le temps des mémoires, c’est-à-dire celui où je participe à de nombreux jurys pour évaluer, avec un autre collègue, les mémoires écrits par nos étudiants. Cette année la récolte fut abondante avec les travaux de deux étudiants de la licence franco-allemande, diplôme binational délivré pour la France à Nice, et ceux de quinze étudiants de Master 1 Infocom, filière spécialisée dans la Culture et la Communication, où j’effectue une partie de mon service. A raison de 100 à 150 pages par volume la tâche est rude mais ces lectures sont toujours intéressantes, parfois passionnantes. C’est un exercice que j’apprécie également car il permet un échange intellectuel furtif mais sympa avec un(e) collègue qu’on ne fait que croiser le reste de l’année. Enfin, il y a le plaisir d’accompagner un(e) étudiant(e) dans sa première recherche qui est aussi souvent son premier travail vraiment créatif.

Cette année, bien sûr, je donnerai une mention spéciale aux deux étudiantes allemandes Kerstin B. et Katrin F. pour leurs études comparatives, la première sur la laïcité, la seconde sur l’organisation du temps de travail. Deux réflexions iconoclastes qui démontrent la supériorité de la définition française de la laïcité pour affronter les défis de l’immigration et les limites sociales du modèle économique allemand tellement admiré dans notre pays. Deux mémoires que j’ai eu le plaisir de diriger pendant toute l’année et qui ont obtenu la note de 18/20. Nous allons d’ailleurs présenter ces travaux à un concours des meilleurs mémoires organisé par l’Union Européenne.

Coté Infocom, j’ai évidemment apprécié les écrits des trois étudiants qui ont travaillé sous la direction de Cristel Taillibert, notre Madame Cinéma. Avec Charles K., nous avons revisité le drame d’Ouvéa à travers le film de Mathieu Kassovitz L’ordre et la morale. Anne-Charlotte A., elle, nous a entraîné du côté de l’American dream vu par les « teens movies » (une occasion d’évoquer l’excellent mais roublard Juno). Quant à Liza P., elle nous a permis d’ausculter l’école républicaine à travers le cinéma contemporain français (l’incontournable Entre les murs par exemple). Disons que le bulletin de santé est plutôt alarmant. A la clé, un double 16/20 pour Anne-Charlotte et Liza.

Avec ma collègue Sylvie Parrini-Alemanno, spécialiste de la communication des organisations, j’ai participé au jury de mémoires assez techniques, mais où j’ai appris beaucoup de choses sur la vie des entreprises. Ce fut le cas avec El hadji Arona D., Elena M., Bakary W., mais aussi Savéria C. qui nous a parlé du déficit d’image des EHPAD, un sujet qui ne pouvait qu’interpeller le conseiller général que je suis. Le maillot jaune de ce petit peloton fut Julie V. qui, après nous avoir présenté fort pédagogiquement « Les nouveaux enjeux de la communication interne aux entreprises », s’est vue attribuer la note de 16/20.

Toujours avec Sylvie, Charlotte M. nous a présenté un travail sur « La génération Y » (un coup de vieux pour les profs !) et Kelly R., que j’ai eu le plaisir de diriger également pendant l’année, a fait une belle synthèse de la notion un peu floue de médiation culturelle avec des exemples de terrain comme « Mars aux musées » ou le CIAC de Carros.

Avec Paul Rasse, ce fut une remarquable réflexion sur l’ethnicité et les ambiguïtés de la notion d’« ivoirité » (Néné Gallé K.) et une autre sur le mouvement « graffiti » (Adrien L., encore un coup de vieux !)

Avec Nicolas Pelissier, un seul mémoire nous a réunis. Celui de Ridha B. sur les chaînes TV développées par les clubs de football (l’animateur de l’émission foot de Fréquence K ne pouvait qu’être à l’aise avec un pareil sujet).

Enfin, avec Francine Boileau, Madame développement durable de la filière, nous avons exploré les mystères du journal municipal d’une mairie du 8-3 sous l’angle de l’environnement (Clémentine H.) avant de nous intéresser à l’analyse très précise faite par Audrey S. de la communication de la candidate Eva Joly. Un vrai docudrama !

Bon ! Tout cela était fort intéressant mais là, je vais quand même me reposer un peu en me replongeant dans Walking dead !


26 juin 2012

L’hiver arabe



Après la proclamation de la charia en Lybie et la victoire des islamistes en Tunisie, la victoire des Frères musulmans en Egypte scelle définitivement le sort du printemps arabe. Définitivement n’est peut-être pas le mot juste quand on voit l’enthousiasme de l’opposition syrienne après l’annonce de la victoire de Morsi au Caire.

Il fallait une bonne dose de naïveté (ah ! BHL et ses discours enflammés devant Benghazi !) pour imaginer un autre scénario que celui-ci.

Les gouvernements occidentaux et, au premier chef, celui de la France, auraient été mieux inspirés en faisant pression sur les pouvoirs en place plutôt que de les soutenir dans leurs pires délires (ah ! la tente de Kadhafi sur les Champs-Élysées ! ah ! les tribulations de MAM’s family en Tunisie !)

Du coup, par mauvaise conscience, on est passé d’un excès à l’autre en pactisant avec le diable et l’on voit le résultat aujourd’hui : les ayatollahs iraniens et le Hamas gazaoui se frottent les mains.

Mais, me direz-vous, n’est-ce pas un procès d’intention que de stigmatiser des pouvoirs si jeunes ? Peut-être (ah ! le fantasme turc !), mais ce qui est sûr c’est que pour les forces politiques qui viennent de s’installer au pouvoir dans la foulée du pseudo printemps arabe, « l’autre moitié du ciel » est – et ils n’en font pas mystère – de toute façon condamnée à la soumission…

Sans oublier que, nucléaire iranien oblige, cet hiver arabe risque fort – et ce serait météorologiquement cohérent – de nous rapprocher d’une nouvelle guerre froide…

23 juin 2012

Le ciel découpé




Avec Marie de KKF (voir sur ce blog) en grande ordonnatrice, nous avons assisté hier soir au vernissage de l’exposition « Le ciel découpé » du Musée Matisse, en présence de la famille de l’artiste.

Ce fut une nouvelle opportunité quelques mois, après « Mars aux Musées » (voir sur ce blog), de déambuler à travers le lieu probablement le plus lumineux et le plus gai de la ville.

C’était aussi et surtout l’occasion de prendre possession en tant que Niçois des 400 éléments de papier gouaché découpés de l’artiste qui viennent d’être légués au musée par ses héritiers.

Une partie de ces découpages sont excellemment présentés grâce à un étrange meuble tourniquet ressemblant à un indicateur de chemin de fer. il permet en tout cas une incroyable proximité avec les formes et donc les gestes de l’artiste.

Petite anecdote à la clé : l’adjointe à la Culture de la ville, toujours très chaleureuse, a tenu à me présenter à la famille Matisse comme conseiller général mais aussi comme auteur de théâtre. Elle y mit tant d’enthousiasme que ces braves gens qui apparemment venaient d’assez loin (des Etats-Unis entre autres) ont probablement cru se trouver face à l’Ibsen ou – France socialiste oblige – au Bertolt Brecht local ! Ce qui, dans les deux cas – Bernard ne me contredira pas –, est très exagéré (!)


20 juin 2012

Vernier a droit de Cité


Après les collèges Saint Barthélemy (voir ce blog) et Valéri (voir le blog de Dominique), c’était au tour du collège Vernier où je siège de présenter son spectacle de fin d’année dans la chaleureuse salle du Théâtre de la Cité, rue Paganini.

Organiser une fête à Vernier, c’est forcément un peu plus compliqué qu’ailleurs car les élèves représentent… 50 nationalités. Une fois de plus, grâce à des enseignants très impliqués, à une direction efficace et à une équipe administrative très professionnelle, le miracle s’est accompli avec plus de trois heures de spectacles de qualité dans une ambiance plus que chaleureuse

C’est ainsi que les spectateurs ont eu droit à une petite comédie musicale sur Prévert et Kosma (émouvante), une séquence de hip-hop (survitaminée), de la commedia dell’arte (drôle et brillante), un film tourné dans l’établissement intitulé « une classe spéciale », avec un vampire, une femme palmée, l’homme le plus bête du monde et un riche (que des monstres en quelque sorte !). Et plein d’autres surprises.

Comme les prix de fin d’année étaient distribués en même temps, nous avons pu vérifier que les enfants les plus doués artistiquement étaient aussi les bons élèves, à l’instar de Graziella, la fille de mes voisins de salle évidemment très fiers.

Au final, une bonne soirée avec en prime une anecdote amusante. Mon voisin calabrais d’origine s’appelant Rocco, je lui fis remarquer que son prénom parlait au cinéphile que j’étais. Je pensais bien sûr au film de Visconti. Mais, à son sourire un peu gêné, j’ai tout de suite compris qu’il pensait lui à l’autre Rocco célèbre du 7e art. Je me suis donc immédiatement excusé de cette faute de goût qu’en fait je n’avais pas commise…

18 juin 2012

Les meilleurs candidats ?


Il y a deux types d’élection : l’élection à la proportionnelle sur liste (municipales, régionales) qui permet l’élection automatique d’un certain nombre de candidats choisis par les appareils du parti ; et l’élection au scrutin uninominal sur un territoire bien déterminé qui, elle, ne peut permettre l’élection que d’un candidat reconnu et bien implanté. Autant dire que dans le 06 les victoires de ce type existent mais elles sont rares. Ainsi, depuis 2005, elles ont été au nombre de sept (cantonales).

2005 : Dominique Boy Mottard PS (Nice 7), dans le canton le plus à droite de la ville.
2008 : Marc Concas PS (Nice 1), contre Eric Ciotti.
2008 : Marie-Louise Gourdon PS (Mougins, Mouans-Sartoux), dans un canton très à droite.
2008 : Antoine Damiani PS (Carros), après la conquête de la mairie.
2011 : Patrick Mottard PRG (Nice 5), troisième victoire consécutive dans le canton qui fut celui de Jacques Médecin.
2011 : Jacques Victor FDG (Nice 3), troisième victoire dans un fief de la gauche.
2011 : Jean-Raymond Vinciguerra, divers écolo (Grasse-Sud), troisième victoire également en pays grassois.

Or, sur les sept, une seule a été candidate (Marie-Louise Gourdon) pour ces élections législatives qui ne pouvaient être gagnées, compte tenu du résultat des présidentielles, que sur la base d’un supplément de notoriété des candidats locaux. Si on met de côté le cas très spécifique d’André Aschiéri (véritable locomotive de la gauche départementale), on peut noter que Marie-Louise Gourdon est de loin celle qui obtient le meilleur différentiel Présidentielle-Législatives… (voir le tableau comparatif sur le blog de Dominique Boy Mottard)

S’est-on donné les moyens de gagner en optimisant nos candidatures dans les Alpes-Maritimes ? Il est permis d’en douter…

Post-scriptum : pour mémoire,

1re circonscription : pas d’implantation territoriale depuis la perte du 12e canton
2e circonscription : André Aschiéri
3e circonscription : un mandat de liste, défaite aux cantonales
4e circonscription : deux mandats de liste, défaite aux cantonales
5e circonscription : un mandat de liste, défaite aux cantonales
6e circonscription : pas de mandat, quasi-permanente politique
7e circonscription : pas de mandat, inconnu
8e circonscription : un mandat de liste
9e circonscription : Marie-Louise Gourdon

Le seul membre connu dans le 06 du MRC a été envoyé… dans le département du Var !

17 juin 2012

Une victoire normale, une défaite anormale


A chaud.

Au niveau national, les électeurs ont amplifié la tendance du 1er tour et donné une victoire belle, nette et sans bavure à la majorité présidentielle.

Au cours de la soirée électorale, les interventions du Premier ministre, des ministres et des responsables politiques de la gauche ont été (comme ce fut déjà le cas lors des trois scrutins précédents) maîtrisées et sans triomphalisme, dignes et républicaines. J’ai particulièrement apprécié celle de Najat Belkacem : « La majorité absolue ne sera pas le pouvoir absolu », très en phase avec ce que j’ai compris de ce début de quinquennat.

Au niveau local, on ne peut que constater un nouveau grand chelem avec 9 députés UMP sur 9. Et le sentiment un peu désespérant que, même quand la gauche l’emporte au niveau national, le rapport de force reste le même dans les Alpes-Maritimes et à Nice (un coup de chapeau à l’inoxydable André Aschiéri quand même).

Si la gauche locale ne veut pas rester éternelle spectatrice d’une Histoire qui se fait sans elle, une révolution culturelle est indispensable. Au moins.

13 juin 2012

La pie au présent




Christophe André est un spécialiste de la méditation. Non seulement il anime, à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, des groupes de méditation pour aider les patients, mais aussi il écrit de nombreux ouvrages en général assez didactiques sur la question. Le dernier « Méditer jour après jour » (Edition L’iconoclaste) développe la thèse selon laquelle notre équilibre passe par la pleine conscience du présent :

« Le passé importe, le futur importe. La philosophie de l’instant présent ce n’est pas dire qu’il est supérieur au passé ou au futur. Juste qu’il est plus fragile, que c’est lui qu’il faut protéger, lui qui disparaît de notre conscience dès que nous sommes bousculés, affairés. C’est à lui qu’il faut donner de l’espace pour exister. »

 L’originalité formelle de l’ouvrage réside dans le fait que l’auteur utilise des tableaux célèbres pour illustrer ces théories (sur les tableaux célèbres, je vous recommande la rubrique « Les tableaux de ma mémoire » sur le blog de Dominique).

Ainsi La pie de Monet qui est probablement mon tableau préféré sert d’illustration à Christophe André  pour le premier chapitre « Vivre l’instant présent » :

« C’est maintenant, juste maintenant.Tout à l’heure, ce sera autre chose : la pie se sera envolée, le soleil sera plus haut dans le ciel, l’ombre de la haie aura reculé… Ce sera ni mieux, ni moins bien ; ce sera juste différent. Alors c’est maintenant qu’il faut arrêter ses pas, sentir l’air frais qui pique l’intérieur du nez, écouter tous les bruits amortis, admirer cette incroyable lumière des  soleils de neige. Rester là aussi longtemps que possible, sans rien attendre de particulier. Surtout pas. Mais simplement rester là en faisant de son mieux pour percevoir les innombrables richesses de cet instant : les morceaux de neige qui tombent des arbres, dans un petit bruit moelleux ; la blancheur bleutée de l’ombre de la haie ; les petits mouvements de la pie qui cherche un peu de chaleur au soleil. Tout est parfait, il ne manque rien pour que cet instant nous comble. En pleine conscience, se rendre simplement présent à cet instant de grâce, ordinaire et lumineux. »

Cette explication est exactement celle que je m’étais donnée du tableau que je vais régulièrement admirer au musée d’Orsay lors de mes séjours dans la capitale… 

11 juin 2012

Le record tient toujours (!)



Patrick Allemand, probablement grisé par son résultat honorable (28,68%), affirme avoir fait dimanche le meilleur score de la gauche dans une législative à Nice…

Qu’il ait oublié les résultats mythiques de 1981, quand Max Gallo et Jean-Hugues Colonna avaient remporté les 1re et 3e circonscriptions après avoir fait respectivement, au premier tour, 30,5% et 30,8%, je peux le comprendre : ça commence à faire loin.

Par contre, il aurait dû se souvenir que Patrick Mottard, à l’occasion d’une élection législative partielle en 1998, dans la très conservatrice deuxième circonscription, avait obtenu 32,58% des suffrages ce qui constitue donc… le record ! J’ajoute que j’étais conseiller général du 5e canton depuis quelques mois et qu’à l’époque, on présentait aux élections législatives les conseillers généraux victorieux (sourire).

Cela dit, ce petit exercice comptable est un peu vain car, en matière de scrutin uninominal, seule la victoire compte…

10 juin 2012

On avance, on avance, on avance…


… Et, n’en déplaise à Alain Souchon, on devrait avoir assez d’essence pour aller dans le même sens jusqu’au 2e tour.

Confirmer l’élection présidentielle lors de ce premier tour des législatives n’était pourtant pas une fatalité. En effet, je suis de ceux qui pensent depuis longtemps que l’avènement du quinquennat n’a pas effacé toute perspective de cohabitation.

Pour en arriver à ce beau résultat, il fallait bien négocier ces quelques semaines coincées entre les deux scrutins. Ce qui a été magistralement réussi.

- François Hollande, d’emblée, a su s’imposer sur la scène internationale en fédérant autour du thème de la relance.

- La nomination du Premier Ministre et du gouvernement a également été une séquence positive. Les Français ont apprécié la personnalité de Jean-Marc Ayrault et la solidité, qui n’exclut pas la nouveauté, de l’équipe gouvernementale.

- Le sérieux et la cohérence de la majorité présidentielle… et du PS (Aubry s’est bien ressaisie) ont également pesé dans la balance. A l’exception du faux pas de Cécile Dufflot dont on peut penser qu’il n’est pas pour rien dans les résultats contrastés des candidats d’EELV lors de ce premier tour.

Grâce à tout cela, la majorité présidentielle est en pole position. Reste à réussir la campagne du deuxième tour en n’oubliant pas que la droite, en 2007, avait perdu cinquante sièges « tout cuits » à cause d’une déclaration intempestive sur la TVA sociale…

09 juin 2012

Les cadavres exquis de Marc Lavalle




Marc Lavalle est un artiste de grand talent qui a le bon goût d’habiter le 5e canton de Nice. Peintre de la Méditerranée, il aime réaliser des séries dont l’atmosphère est d’autant plus juste qu’il va chercher l’inspiration sur place.

C’est ainsi que cette année, dans une galerie du port, il expose un ensemble de toiles représentant à leur façon une institution sicilienne : les cadavres momifiés du couvent des Pères Capucins de Palerme.

J’adhère d’autant plus à son initiative qu’il y a quelques années, nous avons visité ce lieu à la fois magique et macabre où l’on a embaumé jusqu’en 1881 les cadavres (8000 !) momifiés de la haute bourgeoisie palermitaine. Le spectacle de ces corps habillés et présentés dans des poses qui suggéraient la vie ne nous avait pas laissés intacts. Je me souviens notamment de cadavres de petits enfants habillés en adultes.

La bonne conservation des corps a gardé sa part de mystère même si l’on sait qu’elle est due en grande partie à l’efficacité de cellules de dessèchement, de bains d’arsenic et de lait de chaux.

Pour ceux qui n’auraient pas l’occasion de passer par Palerme, je suggère de revoir le grand thriller politique de Francesco Rosi, Cadavres exquis. Dans la scène introductive, on voit Charles Vanel déambuler dans le couvent des Capucins. Le visage raviné et le regard de l’acteur nonagénaire (il décèdera peu après) interrogeant le mystère des momies est un grand moment de cinéma.

Quant à Marc Lavalle, il a su restituer l’obscénité souvent ricanante de ces écorces de vie desséchées que sont les corps des catacombes de Palerme. Mais l’obscénité étant partie prenante de l’humanité, le mystère reste entier. Les belles et intrigantes peintures de Marc Lavalle permettent incontestablement de l’entretenir.

Exposition Marc Lavalle à la Galerie des Docks (11, quai des Deux-Emmanuel) jusqu'au 16 juin


07 juin 2012

Les pages que j’aurais aimé écrire (10)




Le mal vivre et l’incommunicabilité entre les hommes et les femmes de l’Italie de l’après-guerre constituent l’essentiel de l’œuvre de Cesare Pavese (il finira d’ailleurs par se suicider). Son univers est très proche de celui du réalisateur Michelangelo Antonioni. Ce n’est donc pas un hasard si le second adapte des œuvres du premier au cinéma. Ainsi, Le bel été qui commence par ces premières lignes tout en désespérance retenue.

            « A cette époque-là, c’était toujours fête. Il suffisait de sortir et de traverser la rue pour devenir comme folles, et tout était si beau, spécialement la nuit, que, lorsqu’on rentrait, mortes de fatigue, on espérait encore que quelque chose allait se passer, qu’un incendie allait éclater, qu’un enfant allait naître dans la maison ou, même, que le jour allait venir soudain et que tout le monde sortirait dans la rue et que l’on pourrait marcher, marcher jusqu’aux champs et jusque de l’autre côté des collines. (…)

            Ginia, quand une de ses crises la prenait, n’en laissait rien paraître, mais, raccompagnant chez elle l’une des autres, elle parlait, parlait jusqu’au moment où elles ne savaient plus que dire. De la sorte, lorsque arrivait l’instant de se quitter, il y avait déjà un bon moment qu’elles étaient chacune comme seules, et Ginia rentrait chez elle calmée et sans regretter de n’avoir plus de compagnie. »

05 juin 2012

Se féliciter de la faiblesse du FN


Cela devient une habitude.

Face à des sondages législatifs locaux qui donnent des scores FN plus faibles que prévus, les candidats du PS soutenus par EELV font état de leur scepticisme (par rapport aux sondages c’est légitime) et, de façon peut-être plus subliminale mais assez évidente, de leur déception (cela est moins légitime). On va même jusqu’à parler « d’optimisme » en semblant souhaiter un pourcentage plus élevé du FN. On l’a bien compris : un FN plus fort, ce serait des triangulaires assumées et un meilleur score envisageable… Cette attitude est une erreur politique. On ne peut pas, par souci tactique, souhaiter que l’extrême droite soit en position de force. Comment, ensuite, être crédible quand il s’agit de s’opposer idéologiquement à elle. (Sur ce plan, félicitons Jean-Luc Mélenchon pour son combat nordiste.)

Un peu cyniquement, j’ajouterai que, de plus, les sondages dans le 06 démontrent que des triangulaires ne seraient pas spécialement favorables aux candidats du PS. Il n’y a donc vraiment aucune raison de perdre son âme.

Oui, il fait se féliciter de la faiblesse (hélas relative) du FN.

02 juin 2012

Walking dead : vive les morts-vivants !




Tout a commencé en 1968 par un petit film en noir et blanc de George A. Romero qui a revisité le mythe des zombies dans le contexte, dit-on, de la guerre du Vietnam : La nuit des morts-vivants. Lors d’expériences nucléaires, les morts se réveillent et sortent de leurs tombes afin d’anéantir les vivants. Devenu film culte, il fut prolongé par Romero lui-même d’une demi-douzaine de longs-métrages (en couleur) qui ont, chacun à leur façon, enrichi l’univers merveilleux de nos amis d’outre-tombe.

Dans les années quatre-vingt, le mort-vivant, jusque-là un peu marginal, devient mainstream grâce au célèbre clip de John Landis servant d’illustration au Thriller de Michael Jackson. J’ai d’ailleurs revu les quatorze minutes de celui-ci, il y a quelques semaines, au musée du Rock de Barcelone.

Désormais, on sait tout du mort-vivant de base. Il est, il faut bien le dire, assez peu soigneux de sa personne. Il a même un côté franchement négligé, voire défiguré, voire décomposé… Peu véloce, il erre de sa démarche saccadée à travers villes et campagnes à la recherche de cette chair humaine (bien fraîche celle-là) qui l’aidera à régénérer le petit quart de cervelle qui lui reste. C’est d’ailleurs cette dernière petite partie vivante de lui-même qu’il faut neutraliser si on ne veut pas terminer en steak tartare et être transformé soi-même en mort-vivant. Une balle de revolver peut faire l’affaire, mais, le bruit risquant d’attirer ses congénères, il vaut mieux un petit coup de hache sur le crâne : bien ajusté, celui-ci peut régler définitivement le problème. Cependant, si vous reconnaissez dans le mort-vivant un ancien copain d’école ou une ex-petite amie, l’opération peut déclancher un cas de conscience. Il est alors recommandé de ne pas trop réfléchir car, si isolé il est plutôt balourd, en groupe, le mort-vivant est extrêmement dangereux et glouton. D’ailleurs, à sa mine chafouine et même carrément renfrognée, on voit bien qu’il a des tas de choses à reprocher aux survivants (le 2e opus de Romero, Zombie, montre en 1978 l’assaut d’un centre commercial pour une véritable armée de morts-vivants, une façon radicale de contester les abus de la grande distribution…)

En 2003, le mythe est spectaculairement relancé par une série de BD publiée sous forme de « comic books », Walking dead. Sur la quinzaine de volumes publiés, j’en ai lu une dizaine, mais mon enthousiasme est tel que je n’ai pas pu attendre la fin de ma lecture pour pondre ce petit billet coup de cœur.

Les dessins en noir et blanc peuvent ne pas susciter une admiration esthétique totale, mais ils servent à la perfection le diabolique scénario de Robert Kirkman et c’est bien l’essentiel. Walking dead, c’est un peu le « A la recherche du temps perdu » des morts-vivants ! Road movie horrifique, la série de BD nous permet d’accompagner de nombreux survivants aux histoires personnelles contrastées, contradictoires, navrantes… humaines, quoi ! Leurs réactions face à l’apocalypse démontrent à l’évidence qu’évoluer dans un monde de morts-vivants ne rend pas les vivants- vivants plus solidaires que cela. Métaphore quand tu nous tiens !

Cerise sur le gâteau, les productions AMC ont adapté la BD dans une série télévisée qui en est déjà à sa troisième saison aux USA. Pour ma part, j’ai vu la première et je peux dire que la réalisation de Franck Darabond (le réalisateur de La ligne verte) est une superbe réussite, à la fois spectaculaire et intimiste.

Les premiers épisodes ont pour cadre Atlanta, submergée par des milliers de morts-vivants coincés dans le centre ville de la mégapole. Or, l’été dernier, j’ai passé quelques jours à Atlanta. Je me souviens très bien, lorsque je courrais selon mon habitude, dès l’aube, dans les rues en principe désertes de la ville, avoir aperçu quelques silhouettes hésitantes qui se mettaient à tituber dans ma direction… Rétrospectivement, j’en ai des frissons dans le dos ! En effet, il est très rare que je prenne une hache avec moi quand je cours…