Mon ami Jean-Louis Milla anime, depuis près de vingt ans, à Puget-Théniers, une association joliment appelée «
Souvenance de cinéphiles » qui organise chaque année, dans les derniers jours de juillet, un festival dans l’ancienne sous-préfecture des Alpes-Maritimes autour et en présence d’une grande actrice (on peut citer, entre autres, Mylène Demongeot en 1994, Bernadette Laffont en 1995, Annie Girardot en 1998, Claude Jade en 2002, Agnès Soral en 2010…).
L’association, par ailleurs, édite un petit bulletin où il m’est arrivé de commettre de temps à autre un article. C’est ainsi qu’il y a déjà pas mal d’années, j’avais – dans un quasi exercice d’écriture automatique – produit une contribution intitulée « Amarcord, on se souvient… A propos du cinéma des années 70-80 ». Amarcord, en hommage à Fellini (en dialecte romagnol, ce mot signifie « Je me souviens »), le « on » étant une traduction abusive en forme d’hommage à une cinéphilie joyeuse qui, à l’époque, ne se concevait que collectivement.
Voilà donc cet article. La semaine prochaine, sur ce blog, je relaterai l’anecdote inattendue… et émouvante que cette publication avait suscité.
Amarcord, on se souvient...
A propos du cinéma des années 70-80
On se souvient du dialogue muet entre Charles Vanel et les momies d’un couvent de Palerme (Cadavres exquis, F. Rosi, 1976)
On se souvient de la morgue de Santiago du Chili dans Missing (Costa Gavras, 1982) et de la plongée des conquistadors sur la vallée de l’Eldorado accompagnant le générique d’Aguirre, la colère de Dieu (W. Herzog, 1975).
On se souvient des danseurs invisibles devant le grand miroir du Bal des vampires (R. Polanski, 1968) et de la course folle de l’enfant de Shining explorant en tricycle les longs couloirs de l’hôtel désert (S. Kubrick, 1981).
On se souvient de la violence de la première étreinte entre Marlon Brando et Maria Schneider dans l’appartement vide du Dernier tango à Paris (B. Bertolucci, 1973).
On se souvient du premier café partagé par Patrick Dewaere et son père après une si longue absence (Un mauvais fils, Claude Sautet, 1980) et de la promenade entre le vieux Ladmiral et sa fille Sabine Azéma (Un dimanche à la campagne, B. Tavernier, 1984).
On se souvient de Johana Shimkus morte, s’enfonçant lentement dans les profondeurs de l’océan revêtue d’un lourd scaphandrier (Les aventuriers, R. Enrico, 1968).
On se souvient du « I’m back » de Paul Newman dans la dernière scène de L’argent des autres (M. Scorsese, 1986) et de la musique de Giorgio Moroder soutenant le Metropolis de F. Lang (1984).
On se souvient du fou recherchant la vérité en arpentant la piscine vide de Nostahalgia une bougie à la main (A. Tarkowski, 1983) et de celui, troublant, de Jeremy Irons avec son double dans Faux-semblants (D. Cronenberg, 1989).
On se souvient de la couleur ambrée du Chablis dans Providence d’A. Resnais (1980) et de l’oreille dans l’herbe de Blue Velvet (D. Lynch, 1986).
On se souvient du corps androgyne de Mimsy Farmer sous le soleil d’Ibiza (More, B. Schroeder, 1969) et de l’architecture de Gaudi sous celui de Barcelone (Profession reporter, M. Antonioni, 1975).
On se souvient des applaudissements saccadés des prisonniers rendant hommage à Brubaker (S. Rosenberg, 1981).
On se souvient de l’humiliation infligée à Gérard Lanvin par le PDG Michel Piccoli dans la scène du stylo multi couleurs d’Une étrange affaire (P. Granier Deferre, 1982).
On se souvient de l’ombre fluette de l’extra-terrestre de Rencontre du 3ème type (S. Spielberg, 1980) et des visages de craie des convives de Barry Lindon (S. Kubrick, 1976).
On se souvient du duo musical de Délivrance (J. Boorman, 1973) et de la voix intérieure des Berlinois du métro dans Les ailes du désir (W. Wenders, 1987).
On se souvient de John Voight et de Dustin Hoffman déambulant dans les rues de New York au rythme de la musique de John Bary (Macadam Cow-Boy, J. Schlesinger, 1969).
On se souvient du canotier de Jean-Claude Brialy dans Le genou de Claire (E. Rohmer, 1971) et du regard de Philippe Noiret fixant l’horizon dans le dernier plan du Coup de torchon (B. Tavernier, 1981).
On se souvient de la musique de Vangelis accompagnant les athlètes des Charriots de feu sur la plage humide (H. Hudson, 1982).
Enfin, on se souvient de la biscotte beurrée par Claude Jade dans Baisers volés (F. Truffaut, 1968).