29 novembre 2010

Opposition autrement et dialogue républicain

Depuis bientôt trois ans, nous avons décidé avec Dominique de pratiquer l’opposition autrement estimant que nos électeurs n’attendaient pas forcement de nous un rejet global et sans nuances de la politique de la municipalité. Par une attitude plus ouverte et plus constructive, nous n’avions pas la naïveté de croire que nous allions bouleverser la donne, mais nous espérions plus modestement faire avancer l’intérêt général au moins sur certains dossiers.

L’actualité récente montre qu’une telle attitude n’est pas tout à fait utopique. Coup sur coup, sur au moins deux dossiers importants, nos propositions ont été suivie d’effets.

Il y a eu bien sûr la décision de Christian Estrosi décidant de sortir de schéma « tout caméra » pour relancer cette police de proximité que nous appelons de nos vœux depuis de très nombreux mois.

Aujourd’hui il y a cette réponse par retour du courrier du maire de Nice à ma demande d’expertise des façades à risque après le drame de l’avenue Malausséna : « A votre demande, j’ai saisi le directeur de la prévention pour diligenter une expertise ».

Certes la bataille de la sécurité de proximité n’est pas gagnée, les îlotiers n’étant pour le moment prévus que dans certains quartiers. Certes, la purge des façades à risque n’est pas encore pour demain malgré l’urgence. Mais je ne vois pas au non de quelle langue de bois je m’interdirai de parler positivement de cette esquisse de dialogue républicain dans la mesure où il apporte des solutions favorables à l’intérêt général.

C’est la raison pour laquelle nous ne comptons pas en rester là avec par exemple le dossier de l’affectation définitive de la gare du Sud dans le cinquième canton ou l’aménagement d’un réseau de promenades pédestres dans le septième canton. Ce qui ne nous empêchera nullement de rester fidèle à nous-mêmes et à notre drapeau.

27 novembre 2010

Sian d’aqui même pour les gens d’ailleurs

Quelques semaines avant les élections municipales de 2008, l’association Sian d’aqui, qui a pour vocation « le maintien, la promotion et la défense de l’identité niçoise : patrimoine, langue et enseignement, tradition, création et art de vivre », avait organisé un débat citoyen extrêmement riche en demandant à chaque liste d’expliquer son programme à travers le prisme de la culture locale.

Avec la liste Nice Autrement – et notamment nos amis Laurent Lanquar et Joëlle Vacca, très mobilisés sur le sujet – nous avions fourni une batterie de réponses à la fois cohérentes, réalistes mais aussi imaginatives à des questions aussi diverses que l’avenir de la Cour d’appel, de la gare du Sud, du stade du Ray, le périmètre de la Région, l’apprentissage du niçois à l’école, le Carnaval, l’urbanisme, ou encore les lieux d’expression, de création et de diffusion de la culture niçoise. On peut retrouver l’intégralité de nos propositions ici. Chaque liste avait fait de même et le tout avait été publié dans un numéro spécial du journal de l’association. Pour ma part, j’étais enchanté de cette initiative qui, au-delà de tout esprit de chapelle, cherchait à faire progresser le débat citoyen.

Aujourd’hui, Sian d’aqui a réussi à s’imposer dans le paysage culturel niçois, que ce soit en participant à l’organisation de fêtes traditionnelles ou par ses propres animations. Chacun, par exemple, a entendu parler du festival d’humour niçois Les fourres de rire.

Hélas ! L’association se trouve depuis quelque temps confrontée à de graves difficultés financières, mairie, département et région se faisant tirer l’oreille pour combler un trou avoisinant les 10 000 € ; du coup, le Président Fabrice Mauro a lancé un appel public pour que l’association puisse surmonter cette crise qu’on peut supposer passagère.

Pour moi, le travail effectué par cette petite structure au service de la culture niçoise en toute indépendance relève quasiment du service public. La conception ouverte de l’identité de la ville développée par l’association est une source d’enrichissement pour toutes les femmes et tous les hommes de la cité, qu’ils soient niçois de souche ou qu’ils viennent d’ailleurs, qu’ils soient niçois de naissance ou de cœur, voire de hasard.

C’est pour cela qu’à titre personnel, je répondrai à l’appel du Président Mauro et, qu’en tant qu’élu, je demande à tous ceux qui le peuvent de faire un petit effort pour que notre ville ne perde pas une de ses associations citoyennes les plus attachantes.

Ma carte de voeux 2005

24 novembre 2010

L’O.I.N. pourquoi faire ?



Alors que, ces dernières années, nos questions lors des séances du Conseil général sont restées sans réponse, c’est au journal Nice-Matin que nous devons enfin quelques informations et un embryon de débat sur la mystérieuse opération d’intérêt national (OIN) qui est censée aménager la plaine du var et ses 10 000 hectares en sacrifiant l’odieuse spéculation foncière sur l’autel rédempteur du développement durable.

En fait, après toute une série d’annonces, de comités de pilotage à géométrie variable, de présidences sur siège éjectable, d’études tous azimuts, le citoyen Maralpin ne voit rien venir. Ce que confirme, sans langue de bois, dans l’article, le premier président de la structure, Henri Revel, par ailleurs maire de Saint-Laurent-du-Var : « pour l’instant, il n’y a rien à dire (…) la population ne sait pas trop ce qu’est l’OIN ».

C’est que la future « Eco Vallée » n’est pas vierge, loin de là. Elle a subi depuis des années les outrages répétés des aménagements sauvages trop heureux de trouver là un des derniers espaces libres du département. D’où un bric-à-brac urbanistique qui n’augure rien de bon.

Pour remplir le vide du projet et écoper le trop plein de la réalité, les responsables enrôlent sous la bannière de l’OIN les réalisations et les projets « nobles » qui, de toute façon, étaient prévus de longue date : le transfert du MIN, le centre d’affaires, Nice Méridia, le grand stade, la gare multimodale. Je me souviens avoir débattu de la plupart d’entre eux au Conseil municipal et au Conseil général bien avant le lancement de l’opération d’intérêt national.

Au passage, on se rappelle que la plaine du Var est inondable. « L’inondabilité bloque tout. On est dans l’expectative », dit un industriel riverain. Et oui, le Var n’est pas un long fleuve tranquille…

Du coup, le débat se résume à quelques généralités sur l’aboutissement lointain de l’opération (« 30 ans, c’est long », dit un maire) et l’avenir de l’agriculture (« les agriculteurs préfèrent transmettre leurs terrains à leurs héritiers non pas pour un usage agricole mais au prix du constructible »).

Quant aux timides revendications de « débat citoyen », elles ont surtout pour but, pour leurs auteurs, de ne pas rater le train éventuel de la spéculation foncière. Finalement, le débat organisé par Nice-Matin aura eu le mérite de mettre en lumière cette réalité-là. Edifiant.

22 novembre 2010

Au fil du temps


Récemment, mon ami Serge Ferrara, co-compositeur de la musique du dernier film de Wim Wenders, Rendez-vous à Palerme (on peut lire à ce sujet mon billet de 2008, 600 marches pour Wim Wenders), me relatait une entrevue avec le réalisateur quelque part en Allemagne cet été. Il n’en fallut pas plus pour susciter en moi l’irrépressible envie de revoir la fameuse trilogie de l’errance réduite à l’état d’un hypnotique souvenir dans ma mémoire.

Alice dans les villes, 1974
Journaliste allemand aux Etats-Unis en panne d’inspiration, Philippe décide de rentrer au pays. A l’aéroport, une jeune femme lui confie sa petite fille Alice. Une fois arrivés en Europe, l’homme et l’enfant attendent en vain la mère qui devait prendre l’avion suivant. Du coup, d’Amsterdam à Wappertal, les deux compagnons de voyage malgré eux partent à la recherche de la grand-mère d’Alice.


Faux mouvement, 1975
Wilhelm, jeune homme tout à fait banal, traverse l’Allemagne de Hambourg à la vallée du Rhin avec une idée fixe : devenir écrivain. Dans le train, il rencontre quelques voyageurs mystérieux qui l’accompagneront pendant tout son périple.

Au fil du temps, 1976
Bruno vit seul dans un camion et va de villes en villages, le long de la frontière entre les deux Allemagne, réparer les appareils de projection des cinémas de campagne. Bien vite, il est rejoint par Robert qui vient de rompre avec son passé. Ensemble, ils vont de rencontres en rencontres.

Trois road movies fascinants qui se transforment en expérience métaphysique si vous avez le courage de les voir l’un après l’autre (six heures et demi quand même…). C’est qu’ils ont en commun l’errance bien sûr, mais aussi le personnage central et le décor. L’acteur allemand Rüdiger Vogler, sorte de Pierre Richard sans grimaces, incarne avec un naturel confondant Philippe, Wilhelm et Bruno, ces hommes en mal de repères dans l’Allemagne encore maudite de l’après-guerre. Je ne me souviens plus quel personnage étranger à lui-même dit : « Depuis toujours, j’ai le sentiment que tout serait pareil sans moi… ». Mais cela n’a pas d’importance car la phrase aurait pu être prononcée par tous. Même l’amour ne peut rien contre cette inaptitude à exister dans un monde aux parois lisses : « Quand tu b…, tu es dans la femme. Es-tu pour autant avec elle ? »

A part la première partie d’Alice dans les villes, qui se déroule aux Etats-Unis, le décor et essentiellement celui de l’ex République Fédérale Allemande. En noir et blanc ou en couleur, des paysages banals défilent en dégageant pourtant un parfum de mystère et d’étrangeté dû probablement à notre méconnaissance de ce pays, si loin, si proche. Les villes et les villages sans grâce ni laideur s’offrent un peu comme dans la chanson de Barbara :
« Eux, c’est la mélodie même,
A Göttingen, à Göttingen… »      
    
 Mais chez Wenders,l'errance se révèle plus initiatique qu'amniotique et après avoir compris que "se parler à soi même ,ça consiste plus à écouter qu'à se parler " les trois errants pourront se dire au bout de l'aventure selon les mots de l'un d'eux "Pour la première fois je me vois comme quelqu'un qui a vécu un certain temps et ce temps c'est mon histoire".
 

20 novembre 2010

La mémoire de la coulée verte

Photo Nice-Matin

C’est parti pour la coulée verte : avec la démolition de la gare routière, il y a au moins un chantier qui va être entamé à Nice.

Cette nouvelle a une saveur particulière pour Gauche Autrement. En effet, dès 2002, je n’ai cessé d’intervenir en Conseil municipal pour obtenir la destruction de cette hideuse barre de béton qui sépare artificiellement les quartiers niçois du centre ville. Sur ce blog, j’évoquais ce combat dès le 21 février 2007 dans un billet consacré au patrimoine (Patrimoine stories) où je demandais de « supprimer l’absurde mur de la honte que représente le parking de la Promenade du Paillon afin de permettre à la ville de se réconcilier avec elle-même ». Le 9 août 2007, je récidivais avec un billet entièrement consacré à la cause (Le mur de la honte) et où j’enfonçais le clou en rappelant que « blessure esthétique, fiasco économique et source chronique d’insécurité, ce triste ouvrage mal pensé et mal réalisé coûte chaque année une fortune aux Niçois en consolidation, réparation, réhabilitation. »

C’est donc tout naturellement que la destruction de l’ouvrage au profit d’une coulée verte figurera en bonne position parmi les 110 propositions faites par Nice Autrement aux élections municipales.

Enfin, le 4 juin 2008, c’est avec fierté que je relève ici même que notre idée avait fait son chemin (Des droits d’auteur pour Nice Autrement) puisque le nouveau maire s’en était emparé dès le début de son mandat. Deux ans plus tard, la démolition de la gare routière confirme donc cette nouvelle orientation.

Il y a quelques années, je me souviens avoir piqué une colère à la lecture d’un ouvrage qui reprenait le plan et l’argumentation d’un de mes travaux universitaires. Aujourd’hui, rien de tel : comme amoureux de la ville et pratiquant décomplexé du débat politique, je suis heureux et comblé par cette bonne nouvelle. Et peu me chaut pour cela que le programme de Nice Autrement ait été un tantinet pillé.

18 novembre 2010

Tenir les « stats », de Baltimore à Nice

The wire

Depuis quelques semaines, je découvre la série HBO The wire (« Sur écoute ») avec beaucoup d’intérêt.

Elle a pour thème la criminalité dans la ville de Baltimore à travers la vision de ceux qui la vivent au quotidien : policiers, trafiquants, élus, dockers…

Pas du tout manichéenne, cette série a un aspect quasi-documentaire, notamment sur les méthodes policières. Or, à Baltimore, celles-ci sont presque entièrement guidées par une « culture du résultat » revendiquée non seulement par le maire et les politiques de la ville mais aussi par des cadres policiers et des juges également élus (nous sommes aux USA). Du coup, on exige des policiers de terrain qu’ils ne se préoccupent plus de l’efficacité réelle de leurs actions : il faut tenir « les stats »…

Des enquêtes de plusieurs mois peuvent ainsi être sacrifiées pour juguler une forme de délinquance de rue anodine mais statistiquement signifiante. La sécurité réelle des habitants de Baltimore, quel que soit le professionnalisme de Mc Nulty, Daniels ou Kima, les héros de The wire, passe au second plan.

Aussi, je n’ai pas manqué de penser aux flics de Baltimore quand j’ai lu les pages consacrées à la sécurité des Azuréens dans le rapport du Préfet sur « L’activité des services de l’Etat dans les Alpes-Maritimes en 2009 ».

Alors qu’en tant qu’élu de terrain, je ne cesse de voir la sécurité de nos concitoyens se dégrader, les statistiques présentées marquaient pratiquement une baisse de toutes les formes de délinquance. Et de me souvenir qu’un certain ministre de l’Intérieur, nommé Nicolas Sarzozy, après avoir grossièrement caricaturé le bilan de la police de proximité installée par le gouvernement Jospin, avait brutalement imposé la culture du résultat en France, dans un premier temps pour la police (plus tard, ce sera pour le Pôle Emploi, l’administration des Impôts, et la quasi-totalité des services publics).

En opposant ma perception de la réalité et les chiffres énoncés par le document, je me suis dis que, dans le 06, à défaut d’avoir fait reculer vraiment l’insécurité, on avait bien « tenu les stats »…

Ce matin, c’est donc logiquement qu’au nom de Gauche Autrement, Dominique Boy Mottard s’est exprimée sur ce thème au cours de la séance plénière qui permet au Préfet de s’expliquer devant l’Assemblée départementale :

« Pour commencer, je souhaiterais dire quelques mots sur le chapitre de la sécurité des Azuréens qui représente quand même presque le tiers de votre rapport. 

Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas vraiment convaincue par l’abondance des chiffres qui laisseraient supposer une baisse substantielle de la délinquance dans notre département. On connaît la fiabilité très fragile de ce type de statistiques nourries de la désormais célèbre culture du résultat. 

Elue de terrain dans une grande ville, je peux vous assurer qu’ils ne correspondent pas à ce que la population ressent (d’ailleurs, vous l’avez reconnu dans votre intervention). Attaques à main armée, trafic de stupéfiants, viols autour de la ligne de tramway, affrontements de bandes, incivilités : nous pouvons témoigner, qu’au moins dans les quartiers de Nice Nord, l’insécurité semble avoir progressé. Et ce malgré le travail fait sur le terrain par les services de police (qu’il s’agisse de la police nationale ou de la police municipale) avec les moyens qui sont les leurs.

Les chiffres peuvent être trompeurs : la culture du résultat a des effets pervers, on le sait tous et vous probablement le premier. Si les citoyens qui souhaitent porter plainte doivent aller à l’autre bout de la ville, si les délais d’attente sont trop longs, ça décourage… Ça améliore les statistiques, mais ça donne une fausse image de la réalité.

Nous n’avons pas, à Gauche Autrement, le culte des moyens supplémentaires à tout prix, mais il faut admettre qu’en matière de police, seule l’augmentation des moyens humains à travers le retour d’une véritable police de proximité pourra améliorer en profondeur, par la dissuasion et la prévention, la situation. La police d’intervention a certes son utilité, mais seulement dans un deuxième temps (...) »

Pour rompre avec cette néfaste politique du résultat, le ministre de l’Intérieur pourra donc revoir avec profit les cinq saisons de The wire ou s’inspirer de la toute nouvelle conversion du maire de Nice en faveur de la police de proximité…

16 novembre 2010

Le destin a bon dos...

Article de Nice-Matin du 15/11/2010

Samedi, alors que je déambulais avec quelques amis dans le quartier Vernier au cours d’une de mes traditionnelles « tournées de canton », attiré par une agitation inhabituelle, je me suis retrouvé au milieu d’une petite foule bouleversée devant le 22, avenue Malausséna. Un homme, Michel Garibbo, fonctionnaire des impôts en retraite, venait de mourir, tué sur le coup par un élément de maçonnerie qui s’était détaché du troisième étage du Palais Toscana, un immeuble qui, par ailleurs, a plutôt fière allure.

Tout en partageant l’émotion générale, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à un événement dont j’avais été l’acteur involontaire en 2003, à quelques centaines de mètres du « 22 » et que j’ai d’ailleurs brièvement relaté dans « Cinq de cœur ». Ce jour de juin, j’allais tranquillement à la plage quand, en bas de Borriglione, au niveau de l’immeuble 6-8 qui aujourd’hui abrite le centre de vidéo-surveillance, un morceau de façade équivalent à un gros pavé s’était détaché pour tomber à moins de deux mètres de moi. Ce jour-là, je l’ai échappé belle.

C’est dire si ce samedi je me suis senti très proche de ce monsieur qui faisait tranquillement son marché avant d’être le jouet de ce qui semblait être un destin capricieux. Mais, en reprenant mes esprits, je me suis souvenu qu’à l’époque j’avais alerté la municipalité car le « 6-8 » lui appartenait. En effet, une rapide enquête m’avait convaincu que dans le quartier existait d’autres façades dont les éléments  d’ornementation étaient façonnés dans un mortier grossier constitué de chaux, de sable et de ciment, plaqué sur une structure de ferraille et de briques. J’avais alors demandé au maire de l’époque, y compris en conseil municipal, une expertise de tous les immeubles du Centre-ville ayant les mêmes caractéristiques. Au final, je n’avais rien obtenu si ce n’est un article de Philippe Fiametti dans Nice-Matin. On voit aujourd’hui le résultat. Le destin a bon dos…

Ce samedi, le fatalisme des propos de l’adjointe dépêchée sur place n’ont pas été pour me rassurer. Aussi, je renouvelle ce jour auprès du maire de Nice, ma demande d’expertise de tous les immeubles semblables au Palais Toscana. C’est la moindre des choses que nous devons à Monsieur Garibbo : une prise de conscience qui évitera d’autres drames…  

14 novembre 2010

Heureusement, Fred était là...

Avec Fred à Cannes

Ma deuxième participation au marathon Nice-Cannes fut une course difficile mais pleine d’amitié, de rebondissements et… d’enseignements.

Rendez-vous dès 7 heures 15 pour la traditionnelle photo de groupe avec Cathy, Jeff, Bertrand et toute l’équipe du Conseil général. L’occasion de plaisanter entre nous sur les tenues « vert flashy » du CG qui ne nous font pas passer inaperçus dans le peloton où parfois on nous surnomme les « grenouilles ».

Dès le départ, alors que, fidèle à son habitude, Laurent est déjà loin (en réalité, un problème physique l’obligera à abandonner vers Antibes), j’entame la course avec Clotilde et son lièvre du jour, le sympathique Eric, coureur expérimenté s’il en est avec vingt-deux marathons à son actif... et toutes les manifs contre la réforme des retraites. Ce dernier règle l’allure avec la précision d’un métronome, mais il va vite, très vite, trop vite.

Devant le Negresco, première séance photos avec Dominique et un Juju tout excité de voir passer sa maman. J’ai l’agréable surprise de retrouver aussi Gérard Blaise qui, pour la deuxième année consécutive, s’est levé tôt pour m’encourager, lui le lève-tard. J’apprécie.

Les quinze premiers kilomètres sont avalés à une vitesse de TGV. Arrivé à Marina Baie des Anges, c’est mon ami Gérard Corboli qui, comme l’an dernier, est fidèle au rendez-vous. La course s’offrant même un petit circuit autour des célèbres vagues architecturales, c’est par deux fois que j’ai le plaisir de lui claquer la main au passage.

Je me sens très bien, presque euphorique, mais quelque chose me dit que suivre Eric et Clotilde n’est pas raisonnable. Aussi, au dix-huitième kilomètre, je décide comme un grand de décrocher. Heureusement, car je passe à la mi-course en 1 h 59’ 45’’ : avec un simple temps de passage au marathon, je bats mon record direct sur le semi-marathon (2 h 00’ 58’’ à Nice en 2009). Devant ce chrono, je suis partagé : d’une part, j’ai déjà touché mon salaire avec ce beau record, d’autre part, je me dis que j’ai sûrement fait une grosse bêtise et que la sorcière aux dents vertes va me faire payer cash ce début de course présomptueux.

A Antibes, c’est encore tout fringant que je salue Doms et le Juju qui me demande des nouvelles de son père. Un peu plus loin, j’ai l’occasion de faire connaissance avec Damien, du service des sports du Conseil général, qui m’avoue avec un certain fatalisme que la journée va être longue pour lui puisque, à l’issue de la course, il va devoir aider ses collègues à démonter les installations à l’arrivée.

Mais la sorcière veillait, tapie dans l’ombre. Au vingt-huitième kilomètre, après le « col » du Cap d’Antibes pourtant avalé sans difficulté particulière, je suis foudroyé par une maxi-crampe au mollet gauche. L’expérience aidant, je ne m’affole pas. Je m’étends sur la chaussée et me livre à des exercices d’étirements pendant cinq bonnes minutes, le temps que la douleur s’estompe. A nouveau sur pied, j’ai l’impression de pouvoir reprendre ma course normalement. Hélas, au trentième kilomètre, au moment même où Claudio tout sourire me rejoint et me félicite pour l’excellente performance que je suis en train de réaliser selon lui, rebelote, en moins violent toutefois. Et les douze kilomètres restants seront un petit calvaire : de Golfe Juan à la Croisette, je vais alterner course, crampe, étirements, marche, course… Au début, la séquence se déroule sur un kilomètre, à la fin sur cinq cents mètres.

Du coup, l’effort ainsi alterné est moins intense, mais les douleurs sont vives. C’est là qu’intervient le bon samaritain. Il était prévu que Fred m’accompagne en vélo à partir de Juan-les-Pins. En fait, son rôle va devenir essentiel à partir de la séquence « crampes ». Sans lui, j’avoue que j’aurais eu du mal à boucler la course. Pendant une heure et demie, il va m’encourager, me soutenir, me ravitailler. Il me fera même boire du Red Bull, probablement en hommage à Sebastian Vettel !

A trois cents mètres de l’arrivée, sur la croisette, un coureur me dépasse. Le fait aurait pu rester banal si, au passage, celui-ci ne m’avait pas lancé un « Hello Patrick ! » au demeurant fort sympathique. Il s’agit de l’ami Bertrand du CG. Du coup, je rassemble toute mon énergie – mon nouvel engagement de Radical m’interdisant la prière – et je le coiffe au poteau. Bertrand, console-toi, je n’ai jamais autant souffert dans une dernière ligne droite ! Sans rancune et à lundi !

Clotilde, quant à elle, soutenue par son loustic de Juju sur les deux derniers kilomètres, a réalisé une performance époustouflante : 4 h 09’. Chapeau !

En sport, on dit généralement qu’il faut la tête et les jambes. Eh bien, disons qu’aujourd’hui j’avais les jambes pour réaliser entre 4 h 15’ et 4 h 20’, mais pas la tête ! Je n’ai à m’en prendre qu’à moi-même avec un temps forcément anecdotique supérieur à celui de l’an dernier.

Et je n’imagine même pas ce qui se serait passé sans Fred qui, soit dit en passant, a cassé la selle de son vélo en reprenant la route pour Nice et a dû se taper le retour en danseuse…

A propos du remaniement ministériel, voir, sur le blog de Dominique "Un gouvernement à la Chirac". 

10 novembre 2010

C’est Nicolas qu’il faut changer…



Borloo, Baroin, Alliot-Marie, re-Fillon… L’issue du grand loto des premiers ministres est à peu près aussi incertaine que celle du championnat du monde de Formule 1.

En faisant fi de la jurisprudence politique de bon sens de la Ve République, le Président s’est mis dans une bien délicate situation.

Depuis 1958, en effet, un mandat présidentiel commence toujours par la nomination d’un Premier Ministre à forte équation personnelle. Grâce à cette autonomie, il joue un rôle essentiel dans la définition des options gouvernementales tout en étant un fusible politique utile pour l’Elysée. Ainsi, le Président, libéré de la gestion au jour le jour, peut veiller à l’équilibre des institutions et se consacrer à son rôle de rassembleur.

Ce fut le cas quand de Gaulle nomma un Michel Debré pourtant en désaccord avec lui sur la politique algérienne, quand Pompidou adouba Chaban-Delmas, chantre d’une « nouvelle société » pas vraiment voulue par le nouveau Président. Même attitude de Giscard d’Estaing désignant son rival Chirac comme Premier Ministre. Mitterrand choisit lui pour ses deux premières entames de mandat d’anciens adversaires au sein du PS : Pierre Mauroy puis Michel Rocard. Quant à Chirac, il installa à Matignon Juppé pour son premier mandat et Raffarin pour le second (la plus forte personnalité de la majorité de l’époque et un centriste).

Puis, l’usure du Premier Ministre se manifestant quels que soient ses mérites (généralement aux alentours de la troisième année), il revenait au Président de monter lui-même au créneau, voire de plonger les mains dans le cambouis de l’action gouvernementale. Pour cela, il nommait comme Premier Ministre un proche qui avait souvent, en plus, le profil d’un technicien.

C’est ainsi que De Gaulle nomma un Pompidou, cadre bancaire à l’époque inconnu, ou que le même Pompidou devenu Président fit appel au discret et fidèle Messmer. VGE agira de même en nommant « le meilleur économiste de France », Raymond Barre. Mitterrand, quant à lui, assurera la promotion de trois personnalités considérées comme proches de lui au sein du PS : Laurent Fabius, Edith Cresson, Pierre Bérégovoy. Idem pour Chirac avec la désignation de son Directeur de cabinet, Dominique de Villepin.

Nicolas Sarkozy a par contre inversé le processus en montant en première ligne dès le début de son mandat et en nommant un Premier Ministre discret à qui il ne laissa aucune marge de manœuvre. Résultat des courses : après trois ans d’hyper présidence, le Premier Ministre Fillon n’est pas tellement usé, puisqu’il n’a pas servi, et Sarkozy, les sondages en témoignent, est cramé par une trop forte exposition aux rayons de l’actualité.

Du coup, le pauvre Nicolas, complètement démonétisé, ne sait plus vraiment quel choix faire. Si le nouveau Premier Ministre a beaucoup de personnalité, il risque de devenir rapidement un rival, s’il n’en a pas assez, il ne pourra pas le soulager en incarnant une nouvelle étape du quinquennat.

En fait, en ces jours d’anniversaire de la mort du Général De Gaulle, on se dit que dans la logique des institutions de 1958, c’est plutôt Nicolas Sarkozy qui devrait partir et Fillon rester.

LOL, comme disent mes étudiants !

08 novembre 2010

Houellebecq ou le Goncourt Vache qui rit

Cette année, la culture française a fait un grand bond en avant – ou plutôt en arrière – puisqu’il était possible de lire le Goncourt dès septembre sans attendre le traditionnel rendez-vous de novembre chez Drouot. Tous les médias étaient d’accord : le prix ne pouvait pas échapper à La carte et le territoire de Michel Houellebecq. Depuis midi, nous savons qu’effectivement il ne lui a pas échappé.

Intrigué, j’avais anticipé le triomphe annoncé en lisant l’ouvrage dès les premiers jours de la rentrée.

Qu’en dire ? Tout d’abord qu’il se lit sans ennui. L’histoire de Jed Martin, le photographe plasticien amateur de cartes Michelin (c’est également mon cas), est assez plaisante à suivre. Le roman est même décapant quand il se moque des us et coutumes du monde de l’Art et des galeries. Enfin, les amateurs de l’auteur des particules élémentaires retrouveront avec plaisir cette propension à transformer un quotidien truffé de situations banales, de personnages falots et d’objets usuels en un monde quasiment onirique.

Mais, il faut bien le dire, La carte et le territoire est avant tout une extravagante expérience de nombrilisme assumé. En effet, à côté de Jed Martin, l’autre personnage principal du roman est … Michel Houellebecq lui-même ! Pas le Houellebecq réel, ce qui aurait pu être (peut-être) intéressant, mais le Houellebecq des médias, le personnage faussement énigmatique que le provocateur aux paupières lourdes trimbale depuis quelques années de plateaux en studios.

Houellebecq auteur a donc créé un Houellebecq personnage de fiction qui ressemble au Houellebecq médiatique. Du coup, ce qui aurait pu être une vertigineuse mise en abyme pirandellienne devient une illustration philosophique de la réclame de « La vache qui rit ». Chacun se souvient de cette publicité fromagère où l’on voyait une vache souriante portant des boucles d’oreille sur lesquelles on pouvait voir une vache souriante qui portait des boucles d’oreille sur lesquelles, etc.

Le face à face entre l’auteur et son personnage se révèle donc trop complaisant pour être pris au sérieux. Notamment quand, dans un passage grandguignolesque, Houellebecq auteur raconte l’assassinat de Houellebecq personnage.

Il y a quelques années, Pierre Desproges disait : « Quand Tino Rossi est mort, j’ai repris deux fois des nouilles ». Gageons qu’après avoir lu la scène du meurtre, de nombreux lecteurs de La carte et le territoire reprendront avec gourmandise deux chapitres de Julien Gracq ou même de Paul Auster…

06 novembre 2010

Tout fout le camp chez les Aussies… aussi !


Nous avons appris hier qu’un Airbus A 380 de la compagnie australienne Qantas airlines a atterri en catastrophe à Singapour à la suite d’une défaillance de ses moteurs. Même si les responsables se veulent rassurants, il semble bien qu’une catastrophe aérienne a été évitée de justesse.

Pourtant, souvenez-vous ! Nous sommes en 1988. Raymond, autiste surdoué, vient d’être plus ou moins enlevé par son frère pour une sombre histoire d’héritage. De Cincinnati, où se trouvait l’institut spécialisé du malade, les deux hommes doivent rejoindre Los Angeles en avion. Mais, au moment d’embarquer, Raymond fait une crise terrible. Avec sa formidable mémoire des chiffres, il a enregistré l’ensemble des accidents depuis la naissance de l’aviation et sa religion est faite : il n’acceptera de voyager que dans un avion de la Qantas car c’est la seule compagnie qui a un bilan vierge en matière de catastrophes aériennes. En clair, les deux hommes doivent passer par… Melbourne pour aller de l’Ohio en Californie !

Raymond, vous l’avez certainement reconnu, c’est Rain man, le personnage interprété par Dustin Hoffman, dans le film éponyme de Barry Levinson.

Grâce à cette scène devenue mythique, la Qantas a gagné ses galons de compagnie la plus sûre du monde. Moi-même, je me souviens du sentiment de quiétude qui m’envahissait quand je me lovais dans les fauteuils de ses avions, notamment sur les lignes intérieures australiennes.

Hélas ! L’accident de Singapour remet tout en question. Décidément, tout fout le camp et chez les Aussies… aussi, n’en déplaise à mes amis John et Robin de Sydney que je salue ici car je les sais lecteurs attentifs de ce blog.

Quant à ce pauvre Raymond, gageons que son désarroi est au moins aussi grand que celui du chargé de communication de la Qantas…

03 novembre 2010

Les ailes du désir



L’ange de Saint Barthélemy – celui-là même qui, depuis 1884, surmontait fièrement le clocher de l’église avant d’illustrer, plus modestement, la couverture de mon Cinq de cœur – n’a pas survécu à la tempête de la nuit du 1er novembre. Il se serait en quelque sorte désagrégé sous les effets du vent mauvais.

Pour ma part, j’ai une explication moins prosaïque. Damiel, l’ange déchu des ailes du désir (de Wim Wenders) que je n’ai pu rencontrer chez lui à Berlin (voir, sur ce blog, Ich bin ein Berliner !), il me semble bien l’avoir croisé l’autre jour du côté de la Montée Claire Virenque. Ainsi, tout s’expliquerait : passant par Nice, il aurait convaincu son pote de la colline Saint Barthélemy de quitter sa condition pour vivre cette vie des hommes, certes éphémère, mais si belle avec son lot d’amours incertaines, de livres à lire et de combats à mener.

Apparemment, l’ange niçois n’a pas résisté, il n’a même pas hésité : il n’est plus sur le toit, il est parmi nous.

Habitants du 5e canton, observez bien les passants. Peut-être que, revêtu des oripeaux d’un bureaucrate zélé ou d’un employé de mairie, vous rencontrerez, sous sa forme humaine, le copain de Damiel.

01 novembre 2010

Vagabondage cinématographique

Le mépris

Courir une cinquantaine de kilomètres dont la moitié sous la pluie méritait bien une petite récompense culturelle pour que mens sana équilibre corpore sano.

C’est donc à un véritable vagabondage cinématographique que je me suis livré tout au long de ce week-end prolongé de la Toussaint.

Le premier film fut Trainspotting, de Danny Boyle, que j’avais manqué lors de sa sortie en salle : l’histoire d’une bande de jeunes écossais entre chômage et drogue. Si le scénario est dans la (bonne) tradition du cinéma social britannique, la réalisation est pour le moins originale : fiévreuse, parfois burlesque, n’hésitant pas à faire quelques incursions dans la scatologie. Mais ces pieds nickelés d’Edimbourg sont trop caricaturaux pour vraiment nous émouvoir.

Après Danny Boyle, ce fut Sergio Leone, histoire de revoir le film qui marqua l’apothéose (et la fin) du western spaghetti, Il était une fois dans l’Ouest. Histoire aussi de vérifier que les films du réalisateur italien ont moins vieilli que les grands westerns classiques que j’ai tous revus, il y a deux ans, après notre visite aux studios d’Old Tuckson dans l’Arizona. D’ailleurs, le thème du capitalisme corrupteur, très présent dans le film, a probablement inspiré les scénaristes d’HBO pour la série Deadwood.

Puis, sans transition comme on dit à la télévision, ce fut Le mépris, de Jean-Luc Godard, un grand film, un très grand film, qu’il faut voir et revoir. Cette brutale désagrégation d’un amour, sur fond d’incommunicabilité, propulse Camille et Paul au Panthéon des couples de cinéma. Mais, au-delà ou plutôt en deçà, Le mépris c’est aussi un anti-générique étonnant, le grand Fritz Lang qui accepte avec humilité un rôle secondaire, la musique entêtante de Georges Delarue, l’Odyssée – thème du film dans le film – revisitée par le mépris de Pénélope, Paul-Michel Piccoli murmurant : « Je t’aime totalement, tendrement, tragiquement » à Camille-Brigitte Bardot nue sur un lit et qui interroge : « Tu aimes mes chevilles ? tu aimes mes genoux ? tu aimes… ». Une Brigitte Bardot à la beauté confondante qui incarne la femme, la vraie, celle d’avant la chirurgie esthétique.

Enfin, le vagabondage s’est achevé par un objet cinématographique non identifié, qui reste bien à part dans la filmographie de l’immense Antonioni, Zabriskie Point. Ce road movie, qui met en scène un couple de jeunes révoltés plus « love » que « peace », date de 1970. Il en a la générosité et la naïveté. Mais, pour moi, ce film est surtout l’occasion de retrouver Zabriskie Point. C’est en effet dans ce petit morceau de la Vallée de la mort, dans le Nevada, qu’avec Dominique nous avions fait une promenade, en décembre 1995, au lendemain d’un événement important…

Zabriskie Point