23 décembre 2009

5.06 - Michelet


Le 5.06 (Michelet) s’articule autour de l’avenue Borriglione côté pair. Alfred fut l’un de ces maires bâtisseurs à qui on doit le Nice d’aujourd’hui. A la fin du XIXe siècle, il réalisa la première couverture du Paillon mais aussi le canal d’arrivée de l’eau de la Vésubie, le quartier industriel de Riquier, le prolongement de la Prom jusqu’à Carras et bien d’autres aménagements.

Je me souviens du 29 novembre 2002. Ce jour-là, l'avenue fut bouclée à la hauteur du 11 une bonne partie de la matinée par les forces de police. Sur le trottoir gît, une balle dans la nuque, Adrienne Franchi, quatre-vingts ans, qui fut par deux fois – en 1990 et 1992 – mon adversaire Front National aux élections cantonales. Un peu plus loin, un passant, lui aussi âgé, souffre, une balle dans l’épaule. On apprendra plus tard que le tireur, un chauffeur de bus retraité, a regagné, son forfait accompli, le hall du n° 11 où il occupe un appartement au dernier étage et s’est tiré une balle dans la tête. Un différend de voisinage à propos d’une fuite d’eau et d’un ravalement de façade entre le forcené et mon adversaire aurait été à l’origine du drame.

Par contre, je n’ai pas été témoin de l’autre fait divers qui a failli ensanglanter l’avenue. Et pour cause : le 15 novembre 1961 j’habitais encore très loin du quartier. A 23 h 15, une bombe explose sur le pallier du deuxième étage du n° 77. Les portes sont arrachées, les vitres des alentours soufflées, une vieille dame est blessée mais, l’appartement visé étant miraculeusement vide, il n’y aura pas de victimes graves. En fait, c’est l’OAS qui, ne pardonnant pas au rédacteur en chef du Patriote – le journal communiste local – ses prises de position en faveur de l’indépendance de l’Algérie, a voulu l’éliminer physiquement.

Ces dernières années, l’avenue fut le théâtre de l’interminable chantier du tramway ponctué par les fuites de gaz et la ruine de certains commerçants. Je me souviens de ce marchand de journaux nouvellement installé dans le quartier et obligé de fermer son commerce à la suite d’un accident de chantier, son immeuble, au numéro 51, ayant été éventré par une pelleteuse. Il disparut de longues semaines. Le quartier, inquiet, le chercha partout. Il réapparut, ruiné et brisé, avant de disparaître à nouveau. Définitivement. J’ai aussi encore en mémoire la macabre mise en scène d’un artisan réduit à l’inactivité par le chantier qui empêchait les clients d’accéder à sa boutique : tabouret et corde suspendue au plafond dans l’arrière-boutique de son local. Heureusement, un ami de cet homme m’avait prévenu en fin de soirée et, à deux, nous avions réussi à éviter l’irréparable.

Aujourd’hui, l’avenue devenue piétonnière a ressuscité et fait bonne figure avec l’omniprésent tramway. De nombreux commerçants comme l’apprécié traiteur Cotte, le garagiste Boccanera, généraliste de mes voitures depuis quinze ans, ou l’Ami de pain où j’ai mes habitudes ont survécu. D’autres se sont installés avec la volonté d’innover, comme Jorge et Florence qui ont ouvert leur modeste agence immobilière à des expositions de peintres locaux. C’est d’ailleurs en face de leurs locaux, au 78, que se trouvait « ma permanence de la victoire » où, en 1998, nous avions fêté mon élection au deuxième tour des élections du 5e canton en écoutant, presque religieusement, Imagine de John Lennon dont nous avions fait l’hymne de la campagne. Aujourd’hui, le local est un « tatoo shop » dénommé rudement J’aurai ta peau…
 
Pour en terminer avec Borriglione, j’avoue avoir toujours une petite émotion, moi, l’Européen convaincu, quand je passe, à hauteur du 65, devant le bankomat du Crédit agricole. En effet, c’est ici que, le 2 janvier 2002, j’ai retiré mes premiers euros…
Les autres rues du secteur sont plutôt tranquilles. La rue Gallin est en fait une impasse qui peut s’enorgueillir de la Villa Rosanna et des magnifiques portraits de femmes peints en médaillons sur sa façade. Les rues du Soleil et Puget sont presque bucoliques grâce à leurs magnifiques « reculs jardinés » pourtant amputés, il y a deux ans, pour faire de la place au tramway qui, désormais, tintinnabule toute la journée. Au 22 de la rue du Soleil, la résidence… du Soleil a illustré au premier degré sa dénomination par un magnifique soleil en plexiglas qui domine sa façade. Le résultat est pittoresque. Juste en face, une villa mauresque nous fait traverser la Méditerranée en même temps que la rue.

Enfin, j’ai acquis la certitude que ce quartier est celui du macaron. Cette délicate pâtisserie meringuée, fabriquée à partir de poudre d’amende, de sucre glace et de blancs d’œuf, est en effet la spécialité de Ludo qui exerce ses talents à l’angle de la rue du Soleil et de Borriglione. Coïncidence : à un pâté de maison de là, au début de la rue Puget, habite notre ami Vincent qui, lui, a déposé un brevet permettant de fabriquer industriellement les fameux macarons. La gestion de ce brevet qui a beaucoup de succès est d’ailleurs son activité principale. Macaron haut de gamme, macaron industriel, je peux vous garantir, pour être un consommateur régulier des deux, qu’ils sont également excellents. Dans des registres différents bien sûr.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Patrick, si je peux me permettre, je t'invite à gouter aux fameux "ricciarelli di siena" qui sont un mélange des macarons que tu décris avec gourmandise et des calissons d'aix en provence.Vivement noël et les 13 desserts.
Bon appétit à tous!!
"ricciarelli de la gaude".

Claudio a dit…

Même sentiment de vivre un moment historique en retirant "mes premiers euros".
J'avais même choisi mon agence bancaire mais pas d'euros. Alors j'ai cherché jusqu'à être servi. C'était Place Masséna côté rue de l'Opéra et à chaque passage j'y pense.
On devrait peut-être aller consulter (en groupe ?)Patrick. Parce qu'en l'écrivant, je me demande pourquoi on laisse des choses pareilles dans nos cerveaux.

alaind a dit…

Je confirme qu'il est effectivement possible de prendre un balle dans le cadre d'un ravalement de façade que l'on soit acteur ou victime du dole.

Lundi de passage en PACA, j'ai été privé de café pour cause de panne d'électricité. Mais je te jure, que c'est pas ma faute!

Joyeux Noël à toi et à tes proches!

bernard gaignier a dit…

Je me souviens bien sur de cette adversaire politique! Et des campagnes de l'époque ou nous étions très peu pour faire beaucoup avec des résultats que nous préférions recouvrir de magnifiques chansons (parfois faut il le rappeler à la gloire de Joseph Staline.. mais là c'était quand on était chaud!!)!
La décence due au triste décès d'Adrienne Franchi m'empêche de dire la chanson que je fredonnais pendant des collages d'affiche en paraphrasant la chanson de Chantal Goya Bécassine t'es ma cousine en commençant par son prénom!!

Cléo a dit…

Si je puis aussi me permettre,je prends les consultations en ligne. Mes parfums préférés sont chocolat, rose et, chocolat. La quantité? A voir selon la gravité des cas. Le type de cure? Artisanale ou industrielle.
P.S. J'ai retiré mes premiers euros au Crédit Lyonnais de la rue Notre-dame. Un bon analysant est avant tout un bon analysé...

amendepointgouvpointfr a dit…

C'est plus fort que moi, cet héritage génétique, mais je préfère de loin ceux à base de poudre d'amande.... (clin d'œil).