31 décembre 2009

Feliç any nou 2010 !


Jeudi 31 décembre 2009, 12 heures 01, Cap Béar

Star incontestée de la météo marine, le Cap Béar, sombre et sauvage, pénètre la Méditerrannée entre Port-Vendres et Banyuls.

Erigé en 1905, son phare est un miraculé : le 19 août 1944, les Allemands avaient déposé 200 kg de dynamite pour le détruire. Heureusement le dispositif de mise à feu n'a jamais fonctionné. Depuis, il continue à remplir sa mission à 70 mètres au-dessus du niveau de la mer, au milieu des aloës, fouetté par les vents qui peuvent atteindre ici jusqu'à 200 kilomètres/heure.

Un lieu qui, après avoir surmonté un destin funeste, se bat contre un environnement hostile en se mettant au service des autres... Quel beau symbole pour tous ceux qui, dans les heures qui viennent, ne vont pas manquer de prendre des résolutions pour l'année nouvelle.

P.S. Billet partagé, ainsi que les voeux, avec Dominique.

29 décembre 2009

Lieux intimes (1) : la pinède et le lac


Notre géographie intime est faite de lieux avec lesquels nous avons une relation presque charnelle.

Ces lieux peuvent être à quelques minutes de chez nous ou à l’autre bout du monde. Ils ont en commun le sourire qu’ils provoquent sur nos lèvres même au cœur des mornes saisons, et l’indifférence un peu générale qu’ils suscitent sauf, peut-être, chez ceux qui nous aiment vraiment.

Ainsi, cet ami bulgare intarissable quand il s’agissait de décrire sa maison de campagne, parenthèse enchantée au milieu d’un quotidien de grisaille et de répression. La visite sur place révéla une bicoque plus que modeste dans un environnement plutôt banal. Qu’importe, à voir le sourire de l’ami et celui de sa fille, pas de doute, nous étions au jardin d’Eden.

J’ai ainsi en permanence une bonne vingtaine de lieux gravés sur le disque dur de ma mémoire même s’ils sont irrégulièrement visités. Suffisamment, quand même, pour en faire une nouvelle rubrique de ce blog au gré des retours. Dans les Pyrénées Orientales, lieu de villégiature souvent fréquenté, se trouvent deux de ces endroits.

La pinède

Il s’agit, en fait, du « Bois des Pins » d’Argelès sur mer. Ce modeste espace d’environ 500 mètres de long sur 300 de large est un bois artificiel planté à la fin du XIXe siècle, puis amputé à partir de 1938 pour satisfaire les besoins du camp de réfugiés républicains espagnols installé sur la plage toute proche. La moitié des pins maritimes sont jeunes et un peu rachitiques, l’autre moitié est plus ancienne mais les plus grands arbres ont été étêtés par la dernière tempête. En clair, le « bois des Pins » n’est pas la forêt landaise.

Pourtant, j’aime bien marcher dans le sable, écrire ou lire sur les effroyables bancs en béton armé disséminés ici ou là sous la futaie, observer pies et écureuils. Ce modeste bois devient alors une forêt immense, en dehors du monde, où j’aime retrouver mes souvenirs et des raisons d’espérer.

Le lac

Là, nous sommes à Villeneuve de la Raho. Les 6740 mètres du pourtour du lac artificiel, réserve écologique, bassin d’irrigation et base d’écopage pour Canadairs, furent dans un premier temps un parcours d’entraînement. En trois ans à peine, ils devinrent bien plus que cela. Ce n’est pas le lac du Bourget, mais ce micro-paysage est aujourd’hui pour moi un monde à part auquel je pense avec ravissement quand je suis loin, une sorte de parcours initiatique où les caresses du soleil sur la surface immobile du plan d’eau activent joie de vivre et promesse de bonheur.

Quelques arbres et un gros étang, pas de quoi alerter les reporters de Géo. Reste ce sourire de temps en temps sur mes lèvres. C’est déjà beaucoup.

23 décembre 2009

5.06 - Michelet


Le 5.06 (Michelet) s’articule autour de l’avenue Borriglione côté pair. Alfred fut l’un de ces maires bâtisseurs à qui on doit le Nice d’aujourd’hui. A la fin du XIXe siècle, il réalisa la première couverture du Paillon mais aussi le canal d’arrivée de l’eau de la Vésubie, le quartier industriel de Riquier, le prolongement de la Prom jusqu’à Carras et bien d’autres aménagements.

Je me souviens du 29 novembre 2002. Ce jour-là, l'avenue fut bouclée à la hauteur du 11 une bonne partie de la matinée par les forces de police. Sur le trottoir gît, une balle dans la nuque, Adrienne Franchi, quatre-vingts ans, qui fut par deux fois – en 1990 et 1992 – mon adversaire Front National aux élections cantonales. Un peu plus loin, un passant, lui aussi âgé, souffre, une balle dans l’épaule. On apprendra plus tard que le tireur, un chauffeur de bus retraité, a regagné, son forfait accompli, le hall du n° 11 où il occupe un appartement au dernier étage et s’est tiré une balle dans la tête. Un différend de voisinage à propos d’une fuite d’eau et d’un ravalement de façade entre le forcené et mon adversaire aurait été à l’origine du drame.

Par contre, je n’ai pas été témoin de l’autre fait divers qui a failli ensanglanter l’avenue. Et pour cause : le 15 novembre 1961 j’habitais encore très loin du quartier. A 23 h 15, une bombe explose sur le pallier du deuxième étage du n° 77. Les portes sont arrachées, les vitres des alentours soufflées, une vieille dame est blessée mais, l’appartement visé étant miraculeusement vide, il n’y aura pas de victimes graves. En fait, c’est l’OAS qui, ne pardonnant pas au rédacteur en chef du Patriote – le journal communiste local – ses prises de position en faveur de l’indépendance de l’Algérie, a voulu l’éliminer physiquement.

Ces dernières années, l’avenue fut le théâtre de l’interminable chantier du tramway ponctué par les fuites de gaz et la ruine de certains commerçants. Je me souviens de ce marchand de journaux nouvellement installé dans le quartier et obligé de fermer son commerce à la suite d’un accident de chantier, son immeuble, au numéro 51, ayant été éventré par une pelleteuse. Il disparut de longues semaines. Le quartier, inquiet, le chercha partout. Il réapparut, ruiné et brisé, avant de disparaître à nouveau. Définitivement. J’ai aussi encore en mémoire la macabre mise en scène d’un artisan réduit à l’inactivité par le chantier qui empêchait les clients d’accéder à sa boutique : tabouret et corde suspendue au plafond dans l’arrière-boutique de son local. Heureusement, un ami de cet homme m’avait prévenu en fin de soirée et, à deux, nous avions réussi à éviter l’irréparable.

Aujourd’hui, l’avenue devenue piétonnière a ressuscité et fait bonne figure avec l’omniprésent tramway. De nombreux commerçants comme l’apprécié traiteur Cotte, le garagiste Boccanera, généraliste de mes voitures depuis quinze ans, ou l’Ami de pain où j’ai mes habitudes ont survécu. D’autres se sont installés avec la volonté d’innover, comme Jorge et Florence qui ont ouvert leur modeste agence immobilière à des expositions de peintres locaux. C’est d’ailleurs en face de leurs locaux, au 78, que se trouvait « ma permanence de la victoire » où, en 1998, nous avions fêté mon élection au deuxième tour des élections du 5e canton en écoutant, presque religieusement, Imagine de John Lennon dont nous avions fait l’hymne de la campagne. Aujourd’hui, le local est un « tatoo shop » dénommé rudement J’aurai ta peau…
 
Pour en terminer avec Borriglione, j’avoue avoir toujours une petite émotion, moi, l’Européen convaincu, quand je passe, à hauteur du 65, devant le bankomat du Crédit agricole. En effet, c’est ici que, le 2 janvier 2002, j’ai retiré mes premiers euros…
Les autres rues du secteur sont plutôt tranquilles. La rue Gallin est en fait une impasse qui peut s’enorgueillir de la Villa Rosanna et des magnifiques portraits de femmes peints en médaillons sur sa façade. Les rues du Soleil et Puget sont presque bucoliques grâce à leurs magnifiques « reculs jardinés » pourtant amputés, il y a deux ans, pour faire de la place au tramway qui, désormais, tintinnabule toute la journée. Au 22 de la rue du Soleil, la résidence… du Soleil a illustré au premier degré sa dénomination par un magnifique soleil en plexiglas qui domine sa façade. Le résultat est pittoresque. Juste en face, une villa mauresque nous fait traverser la Méditerranée en même temps que la rue.

Enfin, j’ai acquis la certitude que ce quartier est celui du macaron. Cette délicate pâtisserie meringuée, fabriquée à partir de poudre d’amende, de sucre glace et de blancs d’œuf, est en effet la spécialité de Ludo qui exerce ses talents à l’angle de la rue du Soleil et de Borriglione. Coïncidence : à un pâté de maison de là, au début de la rue Puget, habite notre ami Vincent qui, lui, a déposé un brevet permettant de fabriquer industriellement les fameux macarons. La gestion de ce brevet qui a beaucoup de succès est d’ailleurs son activité principale. Macaron haut de gamme, macaron industriel, je peux vous garantir, pour être un consommateur régulier des deux, qu’ils sont également excellents. Dans des registres différents bien sûr.

21 décembre 2009

Lâchez un peu les crampons de l’OL…


Lu à la une du Nice Matin de ce jour : « Monaco musèle (sic) Lyon : 1-1 ». En général un match nul à l’extérieur, qui plus est devant une équipe présentée il y a encore peu comme un outsider du championnat est plutôt considéré comme une bonne performance… pas pour l’Olympique Lyonnais qui a été – dixit - muselé !

Nouvel exemple de ce dénigrement systématique des performances de l’OL par les médias depuis deux ans.

Sept fois de suite, l’OL a gagné la Ligue 1, réalisant même en 2008 un doublé retentissant. Parallèlement, il enchaînait les performances en Ligue des Champions en étant la seule équipe française de niveau européen.

Depuis l’an dernier, l’équipe évolue un ton en dessous : rien de dramatique au demeurant. Elle a terminé le dernier championnat sur le podium tout en assurant une qualification en huitième de finale de la Ligue des Champions où elle sera battue par l’imbattable Barça. Cette année, l’OL a renouvelé sa performance en éliminant – excusez du peu – Liverpool et rencontrera au printemps les Galactiques du Real de Madrid. En Ligue 1, Lyon est actuellement 4e à deux points du second. On peut le voir, le bilan est plutôt flatteur. En tout cas, rien qui ne justifie ce déchaînement de mauvaise foi des médias qui transforment Aulas en disciple de Coué, Puel en caporal psychorigide et l’équipe en conglomérat sans âme et sans talent.

Pendant ce temps, l’OM, usine à scandales et chouchou des médias (des dizaines de pages dans l’Équipe) qui n’a rien gagné depuis l’époque Tapie et les matchs truqués, s’est fait éliminé sans gloire en phase de poules de la Ligue des Champions. Le PSG, autre star des médias, se débat comme chaque année dans le ventre mou du classement. Quant au Bordeaux de Laurent Blanc, son parcours depuis un an est réellement impressionnant, mais il lui reste tout à prouver sur la durée…

Alors Messieurs les journalistes, même si la sage équipe rhodanienne vous fait vendre moins de papier, un peu plus d’objectivité, un peu moins de copinage, lâchez les crampons de l’OL !

19 décembre 2009

Au Conseil général, c’est déjà 2010


C’est effectivement le budget primitif 2010 qui était au menu de cette ultime séance plénière de l’année. Un budget que Gauche Autrement n’a pas voté car « s’il opère une assez bonne hiérarchisation des priorités, les sacrifices restent trop inégalement répartis ».

Comme en 2009, les familles vont financer assez généreusement des investissements profitant en priorité aux entreprises du BTP qui, à l’évidence, ne joue pas le jeu de la redistribution et de l’emploi. Sinon, comment expliquer que cette année, grâce au plan de relance financé par le CG, la baisse de l’activité économique ait été moitié moins forte dans notre département que dans le reste du pays alors que le chômage des jeunes augmentait de 40%, le pire résultat des six départements de la région PACA. « Une activité économique plus soutenue qu’ailleurs, un chômage plus élevé qu’ailleurs… Y a comme un défaut ! aurait dit feu Fernand Raynaud ».

Le débat budgétaire fut aussi l’occasion d’exprimer notre hostilité vis-à-vis de la réforme de la taxe professionnelle. Une réforme qui réduit la liberté fiscale des collectivités locales et qui, inéluctablement, imputera leurs ressources. Une réforme qui va coûter très cher aux finances publiques dans un contexte où l’endettement public s’envole.

Le début de la séance fut aussi l’occasion de purger le débat sur le Contrat de Responsabilité Parentale dont on nous rabat les oreilles depuis deux mois. En ce qui me concerne, le temps d’expliquer qu’en la matière « nous sommes dans l’idéologie pure, voire la démagogie. Qui parlerait des Contrats de Responsabilité Parentale (dont une partie du dispositif est au demeurant intéressant…), s’il n’y avait au bout l’éventuelle suspension des prestations familiales, une mesure illusoire qui renvoie à un fantasme de l’opinion publique sur la démission de certains parents (en fait, la plupart du temps, des mères isolées et dépassées par les événements) que l’on devrait combattre par la répression. Comme si les choses étaient aussi simples. (…) A proposition idéologique réponse symbolique… » : nous avons voté contre.

Heureusement, la suite de la séance fut plus constructive, notamment sur les politiques et les dossiers sociaux. Ce fut aussi l’occasion pour Dominique de demander, avec la passion qu’on lui connaît, un rééquilibrage nord-sud des implantations de maisons de retraites. Ce sera même pour nous un des dossiers prioritaires des prochains mois. 

Ce n’est qu’après presque neuf heures de débat que nous touchons enfin notre salaire en retrouvant, dans une permanence pleine à craquer, les amis de l’association pour un fraternel pot de Noël d’où nous enverrons un amical message à deux grands absents du jour : Richard, le convalescent, et Gérard, le routard du Triangle d’Or.

16 décembre 2009

Le choix de Sophie

La nouvelle est officielle : Sophie Duez, figure de proue de la liste Allemand aux municipales, rejoint le cabinet politique du maire-ministre Christian Estrosi.

Le moins qu'on puisse dire est que je n'ai pas de raisons particulières d'être un farouche partisan de la dame. On n'a pas oublié son étrange obstination à vouloir me donner des leçons d'unité de la gauche sur le plateau de France 3 au soir du deuxième tour des municipales de Nice. Et si j'ai toujours considéré qu'elle avait sa place au titre de la société civile sur une liste, il est aberrant que le leader de Changer d'ère - il est vrai en panne de popularité - lui ait laissé la conduite de sa campagne.

C'était une erreur de casting et un grand risque.

- Une erreur de casting pour les élections : voir les notables du PS se dandiner sur les estrades pour une sorte de teknival électoral n'était probablement pas ce qu'attendaient de la gauche les Niçois. Ils le feront d'ailleurs spectaculairement savoir en plaçant la liste Allemand en troisième position derrière Estrosi et... Peyrat.

- Un grand risque pour l'avenir : l'effet boomerang était prévisible. Le désintérêt abyssal du PS local pour la culture frôle parfois le populisme voire la beaufitude... Combien de fois m'a-t-on reproché d'écrire ou d'être cinéphile ? Combien de fois ai-je été traité de bobo par les blogs mercenaires de Biscarra en raison de mon intérêt pour les questions culturelles ?

Du coup, la dame a dû se sentir un peu seule... Comme elle a de l'expérience, probablement la volonté sincère d'être utile et, apparemment, une grande disponibilité professionnelle, elle ne pouvait que céder à l'offensive de charme du camp d'en face.

Bien sûr, l'opération politique est transparente. Mais, en même temps, comment ne pas constater que, lorsque l'opposition est insignifiante, le pouvoir - même contesté - est roi et les tentations sont grandes.

Bref, on peut ne pas partager le choix de Sophie. Mais on peut le comprendre...

13 décembre 2009

Lucie dans tous ses états

La fonction de conseiller général ne permet que très rarement la fréquentation de la poésie, a fortiori quand celle-ci a des accents surréalistes... Et pourtant !

Nous sommes samedi, en début de soirée. L'orage gronde et la petite foule, invitée par l'Association de la colline Saint Barthélemy, pour fêter la Sainte Lucie, se presse dans la salle au plafond bas de l'entresol du Prieuré du Vieux Logis. Arrivé avec un peu de retard, je me faufile entre les fidèles dans l'étroit couloir et me retrouve, plutôt surpris, face à douze Vierges suédoises, toges immaculées et blondeur scandinave, chantant d'une voix cristalline les louanges de Lucie, cette sainte sicilienne qui préféra jadis - étrange entêtement - s'arracher les yeux plutôt que de perdre sa virginité. C'est que la Sainte Lucie, proche du solstice d'hiver, est fêtée en Suède à travers de nombreuses fêtes des lumières ( luce, lux, lumière).

D'où ce déploiement virginal, bougies en main ou... sur la tête, d'autant plus dépaysant que mon dernier contact avec la culture suédoise remonte à la lecture déjà lointaine du polar Millenium.

Tout en écoutant avec délectation les voix célestes, je me dis que l'engagement légendaire des scandinaves en faveur de la parité n'est pas un vain mot : deux des vierges sont... des hommes !

Le récital achevé, la procession aux lumières doit s'élancer à travers rues et ruelles du quartier. Au son de... la Java bleue (vous savez, celle qui ensorcelle...) jouée par un très jeune accordéoniste qui, à l'évidence, a déjà une pratique très affirmée du happening décalé, une petite troupe d'une soixantaine de personnes se met en branle. L'élu du canton se doit de donner l'exemple et je participe donc à l'aventure. Car aventure il y eut. La bourrasque se déchaîna, retournant les parapluies et fouettant les visages. Bien sûr, au bout de cent mètres, la pluie violente eut tôt fait d'éteindre les petites chandelles et de débaptiser ipso facto la procession aux lumières.

La montée d'un boulevard Gorbella désert et quelque peu lugubre sous l'ondée fut particulièrement épique et insolite. Notre petite troupe était précédée par de stoïques musiciennes provençales, fifres et tambourins, qui jouaient une musique joyeuse évoquant les cigales et le pastis bien frais. A la fin du cortège, une voiture de la police municipale veillait probablement à ce qu'il n'y ait pas de débordements en fin de manif... euh, je vous prie de m'excuser, de procession !

L'orage redoublant d'intensité, l'itinéraire devint de plus en plus incertain, le défilé se transformant en une sorte d'errance à la Théo Angelopoulos...

C'est à ce moment-là que je compris qu'on pouvait être très nombreux et vivre quand même un grand moment de solitude.

Une demi-heure plus tard, l'exode s'achève chez le père Didier dans l'atmosphère tiède de l'église Saint Barthélemy où une surprise nous attendait : les Vierges - qui avaient été préservées de la tempête - peuvent à nouveau chanter la gloire de Lucie pour détendre nos corps grelottants et recroquevillés. Heureusement, le vin chaud servi dans le cloître du monastère après cet ultime spectacle va nous réconforter. Du coup, l'ambiance monte d'un cran et, si l'esprit de Lucie était toujours parmi nous, c'était moins celui de l'austère Sicilienne que celui de celle qui fait un tour in the sky with diamonds...

Et c'est quelque peu euphorique que je redescend la colline pour retrouver cette autre Lucie qui m'attend à la maison.

11 décembre 2009

5.08 - Saint Barthélemy


Tout en longueur, le territoire du 5.08 s’articule autour du côté pair de la partie sud du boulevard de Cessole, du Passage à niveau aux Trois horloges.

Après avoir dépassé l’inattendu Gainz’bar, dès le n° 20, on se trouve face à un immeuble mythique : le Palais Stella. C’est ici que le 27 août 1944 le comité insurrectionnel de la Résistance niçoise décida, dans la soirée, de déclancher le lendemain à 6 heures le soulèvement pour libérer Nice.

Dès l’aube, deux mille Allemands à l’ardeur, il faut bien le dire, un peu défaillante (les Américains étaient arrivés jusqu’au Var tout proche) furent attaqués par trois à quatre cents résistants surmotivés et intelligemment coordonnés par le QG du Palais Stella. A minuit, les insurgés étaient maîtres de la ville, évitant ainsi destructions et représailles de la part de l’ennemi. Le surlendemain, les Américains incrédules pouvaient pénétrer dans une ville déjà libérée.

Au n°2 du boulevard, une plaque très sobre rappelle que cinq des vingt-sept résistants tués ce jour-là le furent dans le quartier : René Barralis, Lucien Chervin, Auguste Gouirand, Jean Ballestra et Roger Boyer, qui donnera son nom au square de la Dominante. Chaque 28 août, à 18 heures, je fais partie de la (toute) petite foule qui rend hommage à ces héros dans l’indifférence un peu générale devant le 20, en compagnie des survivants toujours moins nombreux d’année en année. Après l’insouciance des vacances d’été, ce moment d’intense communion est un petit électrochoc qui me ramène chaque fois à l’ambivalence de nos destinées.

Mais la partie basse du boulevard de Cessole, c’est aussi le jardin de l’Evêché, les Buttes-Chaumont niçoises… Tout en dénivelé, il nous offre chaque année, dans cette ville sans saisons, avec ses beaux arbres à feuilles caduques, un petit échantillon d’automne. Il abrite aussi la Maison de l’Environnement dans un bâtiment qui fut celui de la sulfureuse Radio Baie des Anges, en son temps voix officielle du médecinisme. C’est du jardin de l’Evêché que démarre également le célèbre GR5, chemin de randonnée qui relie Nice à… Rotterdam, en passant par Aspremont, le Mont Cima, Utelle, Saint Etienne de Tinée…, le Luxembourg et la Belgique, soit plus de 1500 kilomètres. Un panneau en bois matérialise ce lieu symbolique depuis peu. Devant lui, je me dis que, peut-être, le conseiller général du canton se devrait de… bon… enfin… on verra !
Après l’Evêché, le promeneur passe devant l’entrée secondaire du groupe scolaire Saint Barthélemy qui a donné son nom au 5.08 puis croise le passage Bellon et son académie de danse orientale, les rues Cagnoli et Dr Lanchier, du nom de ce praticien qui, pendant la guerre, permit à de nombreux jeunes Niçois d’échapper au STO.

Enfin, c’est l’arrivée sur le square Barons de Berre, que les habitants du quartier, fidèles à la tradition du double nom des places de Nice nord, appellent « les trois horloges ». Précisément, parce que trois horloges, haut perchées et accolées, offrent un identifiant quelque peu insolite à ce lieu de passage. C’est au nord du square que se trouve le Bar des deux avenues (Cessole et Cyrille Besset) où nous avions l’habitude, avec Jean-François Knecht, conseiller général du 11e canton limitrophe, d’organiser des conférences de presse communes qui, au-delà de leur utilité directe, étaient un moyen d’authentifier notre travail pour Nice nord et – pourquoi ne pas le dire – notre amitié.

Enfin, le 5.08 s’achève par un décrochage en forme de rectangle opéré par les rues Charles Calais et Victorien Sardou : deux personnalités qui, par la force des choses, font rue commune mais qui, de leur vivant ne seraient certainement pas – selon l’immortelle formule de Thierry Rolland – partis en vacances ensemble. Qu’on en juge . Victorien Sardou, dramaturge parisien : « Les Niçois ont un mont, il est chauve, ils ont un château, il est démoli… ». Charles Calais, poète niçois : « Je suis fils du pays dont rêvent les pucelles… ».


Membre de la commission municipale des noms de rues pendant de longues années, j’affirme avec force ne pas faire partie des responsables de ce que l’on appellera, selon l’humeur, une faute de goût ou un télescopage malicieux.

09 décembre 2009

L’ALED a droit de Cité


L’association laïque pour les élèves en difficultés (ALED), présidée par notre ami et colistier Paul Vautel, organise régulièrement des conférences-débats. C’est ainsi qu’en Mai 2008 j’ai eu le plaisir d’intervenir sur… Mai 1968 au théâtre Trimages.

Ce soir, c’est dans le décor cosy du théâtre de la Cité qu’était programmée une conférence sur l’éducation des enfants intitulée « Croisière ou galère ? » et sous-titrée « De la joie d’être parents dans un monde compliqué ».

Présidée par une autre amie, Véronique Lederman, le débat fut introduit par le Président Paul himself. Il rappellera que les difficultés présentes sont en partie les conséquences d’une évolution heureuse de la société comme le vote des femmes, la contraception, le divorce par consentement mutuel, l’autorité parentale, le travail féminin…

Les intervenants (Côme Jacqmin, juge pour enfant, Florence Pellegrino, enseignante en ZEP, Jean-Max Foret, éducateur ), en tous points excellents, feront ensuite le constat que, dans une société où l’individualisme s’est considérablement développé, éduquer les enfants « ne coule pas de source ». Ils sont également d’accord pour affirmer que tout retour en arrière (contrat de responsabilité parental) est illusoire, démagogique et relève souvent d’une forme de discrimination sociale (le couvre-feu dans certains quartiers).

Les solutions ne peuvent pas être théoriques et encore moins idéologiques mais doivent constituer un faisceau de réponses pragmatiques, au coup par coup : du cousu main en quelque sorte… Le juge lui même avoue, malgré sa mission d’autorité, négocier quotidiennement dans la discrétion de son cabinet pour arriver aux moins mauvaises solutions.

Dans ce contexte, l’école a pour tâche de créer les conditions qui peuvent faciliter la recherche de cet équilibre en imposant la notion de « respect » comme substitut aux formes d’autorité « à l’ancienne » de toute façon impossible à restaurer.

Mais ce type de solution nécessite des moyens pour l’Education nationale comme pour les équipes de prévention spécialisées et les associations. Et les intervenants de nous rappeler qu’on est loin du compte en ces périodes de restrictions budgétaires où la prévention et l’éducation sont sacrifiées aux effets d’annonce sécuritaires.

06 décembre 2009

Nostalgym au Ray


Défaite honorable hier soir du Gym face à Marseille, avec une équipe réduite à 10 pendant toute la deuxième mi-temps. Malgré cet incident de parcours, on subodore que les Aiglons sont encore partis pour nous offrir une belle saison…

On commence à avoir l’habitude : depuis presque une décennie, cette équipe aux moyens financiers limités, réalise d’impeccables parcours en Ligue 1 où elle devance régulièrement des clubs plus huppés et surtout plus friqués.

Mais depuis quelques mois, chaque match au Ray est un peu plus qu’un match de plus. Les jours du vieux stade Léo Lagrange sont désormais comptés. Ce qui fut pendant très longtemps le serpent de mer de la politique niçoise, à savoir le grand stade, risque de devenir rapidement – porté par la candidature de la France à l’Euro – une réalité. Cette semaine encore, l’annonce du soutien financier de l’Etat rend l’échéance inéluctable.

Ainsi, tout en vibrant avec Sami aux exploits de Loïc Remy, d’Ospina, et de Coulibaly (qui a marqué un si joli but), je n’ai pas pu m’empêcher de jouer à « Je me souviens… ».

Je me souviens de ces longs « trails » entre le quartier Pasteur et le stade qui nous faisaient traverser la moitié de la ville en empruntant uniquement des chemins de traverse et des escaliers. Le chemin de la Galère, embaumé et fleuri au printemps, flamboyant en automne, représentait une partie non négligeable de notre itinéraire bis. C’est dire si aujourd’hui, je soutiens avec ferveur la conseillère générale du 7e canton qui veut valoriser et faire connaître les richesses de ce bucolique cheminement rural en zone urbaine.

Je me souviens, pêle-mêle de tous ces joueurs rouge et noir que nous avons tant admirés : les chevauchées fantastiques de Jean-Noël Huck, les dribles de Charly Loubet au poteau de corner, les plongeons de Baratelli, la vitesse de Bocchi (qui désormais tient la buvette de la cité Ray-Gorbella dans le 5e canton), la rudesse de Chorda, la technique de Leif Eriksson, l’élégance de Bocandé (sa fille est mon étudiante), les buts de Bjekovic, la pirogue de Marama Vahirua, l’esprit Ajax de Dick van Dijk…

Je me souviens aussi tout particulièrement de René Fioroni. Cet étudiant en notariat avait gardé son statut d’amateur… et portait des lunettes. Ailier fougueux, il était souvent descendu sans ménagement par la défense adverse à l’approche de la surface de réparation. Du coup, probablement inspirés par la jurisprudence Agnan du petit Nicolas de Goscinny, nous avions pris l’habitude de conspuer avec véhémence ces brutes incapables de respecter un amateur courageux qui portait des lunettes.
Je me souviens de soirs de deuxième division où nous étions encore des milliers à soutenir ce qui n’était parfois qu’un fantôme d’équipe. Je revois comme si c’était hier le tableau d’affichage et son 0-3 après une demi-heure de jeu un soir d’hiver contre… Chateauroux (c’est où ça, Chateauroux ?).
Je me souviens du miracle de 2002 quand l’équipe caracolait en tête de la L1 quelques mois après avoir été pratiquement condamné à la troisième division par une fédération très sceptique sur les capacités de gestionnaires des actionnaires locaux. José Cobos le magnifique fut le symbole de cet ahurissant retournement de situation, incarnant la révolte des joueurs contre le dictat parisien, avant de propulser l’équipe vers les sommets. Quelques années plus tard, j’ai eu le privilège de parler assez longuement en tête à tête avec lui. J’ai découvert un homme sensible, un humaniste profondément attaché à l’éthique sportive… C’est dire s’il a dû se sentir souvent bien seul dans le monde du football professionnel.

Je me souviens de ces quatre années passées dans les Populaires, aux côtés de la Brigade sud, avec Ange et Bruno Della Sudda, un alter chez les ultras, aurait dit Léo Mallet. Chants, chorégraphies, banderoles, serpentins et confettis… l’ambiance était chaude, les slogans aussi… Ils traduisaient en tout cas une connaissance très précise des pratiques sexuelles des arbitres et des supporters adverses !
Je me souviens bien sûr des concerts de klaxons sur Borriglione et sur Gorbella les soirs de victoire, les larmes ravalées et les poings dans les poches après les défaites. Je n’ai même pas oublié les petits bastons probablement nécessaires à l’hygiène du corps.

Pour toutes ces raisons, notre cœur restera toujours au Ray. Pour autant, nous n’abandonnerons jamais notre équipe, nous irons la soutenir dans la grande plaine froide, j’irai la soutenir dans la grande plaine froide. D’ailleurs, en gage de fidélité, je vais, dès lundi, installer dans ma permanence, le grand fanion dédicacé par toute l’équipe que Dominique a acquis au téléthon organisé par le comité de quartier de Cimiez. Qu’on se le dise !

02 décembre 2009

5.05 - Molière


Comme son nom l’indique ce secteur est organisé autour de la rue Molière qui d’est en ouest traverse le paisible quartier situé entre Borriglione et Auguste Rainaud avant de grimper brusquement sur les hauteurs de Bellevue. 

Pourtant Molière a bien peu mérité de Nice. On ne lui connaît aucun lien avec notre ville et n’a-t-il pas fait dire à un de ses personnages : « Hors de Paris , il n’y a pas de salut pour les honnêtes gens » (dans quelle pièce ?).

Cette rue fut longtemps celle de la Fondation Dabray, hospice dépendant du CHU reconverti un temps en résidence d’artistes avant d’être démoli pour faire place à un établissement expérimental spécialisé dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer : l’institut Claude Pompidou financé par l’association du même nom.Et c’est à l’occasion du dépôt de la première pierre, à côté de Bernadette Chirac, que j’ai pu vérifier que le célèbre cabas n’était pas une invention du scénariste des Guignols

Notons enfin, à l’intersection nord avec Bellevue, le superbe palais Molière où, pendant quelques semaines dans les années 70, nous avions sous-loué un studio sous les toits sans jamais l’habiter, probablement découragés par notre prédécesseur, admirateur de la famille Adams, qui avait peint tous les murs… en noir !

Toujours sur les hauteurs, n’oublions pas la petite rue Eden, où, semble-t-il, quelques rats malicieux avaient un temps colonisé les palmiers pour de bruyantes raves parties nocturnes.

La rue Edouard Dalmas fait aussi partie du périmètre, avec ses deux superbes villas à fresques, fausses jumelles que nous avons sauvées, avec le soutien de la population, d’une destruction programmée par les urbanistes de la ville.

Pour le reste, le 5.05 n’est composé que de portions de rues et d’avenues contribuant à donner à l’ensemble un caractère confus et peu homogène. Ainsi, l’avenue Bellevue, dans sa partie 28-54, l’avenue Barbusse du 26 au 36, avec le Centre des Etudiants Juifs, où je me souviens avoir participé à des débats passionnés et passionnants, la partie ouest de la rue Michel-Ange, avec son hôtel St Hubert, petit deux étoiles au confort douillet et un peu suranné des établissements de province où descendent les voyageurs de commerce et le commissaire Maigret.

Reste encore, du 22 au 36, une petite partie de la rue Théodore de Banville, juste le temps de vérifier qu’à Nice Nord, existent les pistes cyclables les plus désertes de la ville et de rappeler que ce brave Théo, poète « aux rimes riches » comme le rapporte la chronique, né à Moulins (nul n’est parfait), était complètement frapadingue de notre cité : « Nice est une déesse vivante sortie des flots d’écume sous un baiser du soleil. On vient à Nice pour une semaine et on y reste toute sa vie… ».
Mascarille, prends de la graine… !