22 mai 2009

Le village des damnés

Le ruban blanc


Cannes : chronique n° 5

Grâce au pont de l’Ascension, nous avons pu, malgré leur durée – pas toujours justifiée d’ailleurs – voir cinq longs métrages à l’amorce de la dernière ligne droite de ce 62e FIF. Cinq films d’intérêt inégal, qu’on en juge, chronologiquement.


« A l’origine », Xavier Giannoli, France

Un petit escroc se fait passer pour un chef de chantier en charge de la construction d’un tronçon d’autoroute. Petit à petit, c’est toute la région, Madame le maire à sa tête, qui se fait d’autant plus duper qu’elle est trop contente d’échapper au marasme économique. Et l’autoroute sera livrée dans les temps.

Xavier Giannoli, dont on avait apprécié, il y a deux ans, le charmant « Quand j’étais chanteur », a tourné ce film d’après une histoire vraie. Au cinéma, on devrait toujours se méfier des histoires vraies, ce sont celles qui paraissent les plus invraisemblables… C’est le cas ici : le spectateur a du mal à croire à cette belle histoire de rédemption d’un looser d’ailleurs pas tout à fait sympathique (François Cluzet, très sobre).


« Le ruban blanc », Michael Haneke (Autriche)

Dans un village protestant de l’Allemagne du nord à la veille de la Première Guerre Mondiale surviennent d’étranges événements : attentats, accidents, expéditions punitives…

La morale traditionnelle écrase la population du microcosme et les incidents sont autant de fissures permettant à la lave des pulsions et des sentiments trop longtemps contenus de s’échapper.

Les enfants tiennent un rôle prépondérant dans le film. Trop blonds, trop silencieux, fruits de la consanguinité et de l’éducation puritaine, ils sont à la fois les victimes et le produit de cette société.

Sous leur apparente banalité, ils inquiètent et me rappellent « le Village des damnés » de Rolf Rilla, un classique de l’épouvante des années soixante. Mais avec « Le ruban blanc », nous ne sommes pas dans un film de genre, les enfants sont avant tout le reflet de la monstruosité des adultes.

Magnifiquement filmé en noir et blanc, ce Haneke à la violence sobre et sourde, est un prétendant évident à la Palme d’or.


« L’imagination du docteur Parnassus », Terry Gilliam (USA)

Dans ce nouveau délire cinématographique où s’affronte le bien et le mal, Terry Gilliam fait une nouvelle fois preuve de son inégalable savoir-faire pour réaliser des films d’une très grande richesse et inventivité visuelle. Sur le fond, par contre, on est loin de « Brazil », à part une (toute) petite charge contre le « charity business », l’ensemble reste bien fade. Le film est parfaitement à sa place en étant hors compétition.

« Le temps qu’il reste », Elia Suleiman (Palestine)

Dans ce nouveau film, Suleiman nous raconte à la fois l’histoire de sa famille et celle de sa communauté, ces « arabes-israéliens » qui vivent comme une minorité dans leur propre pays.

Après une première partie assez convenue, on retrouve, avec l’arrivée de Suleiman acteur, ce qui nous avait ému dans « Intervention divine » présenté ici même en 2002. Sans rien céder sur le fond – l’homme, à l’évidence, reste un militant – entre Buster keaton et Tati, il nous offre, soutenu par de nombreux plans fixes, un portrait tout en tendresse de son peuple et de son mal-être. A mille lieues de toutes les « Hamasseries »…


« Soudain le vide », Gaspard Noé (France)

Oscar et sa sœur Linda habitent Tokyo. Oscar est dealer, Linda est strip-teaseuse et les deux sont orphelins depuis l’enfance. Un soir, lors d’une descente de police, Oscar est tué.

L’histoire est secondaire par rapport à un style qu’on peut qualifier d’insolite… en effet, pour les scènes d’exposition, vous avez droit à un Google Earth branché sur une montagne russe survitaminée, pour les scènes d’émotion et de délire (sexe et drogue essentiellement), on vous offre des images kaléidoscopiques dignes des explorations corporelles du Dr House. Pendant deux heures et demi, vous avez le temps de vous lasser de ce maelström hallucinatoire et même d’attraper un peu mal au cœur… Par principe, je ne quitte pas la projection d’un film avant la fin, mais ma voisine a été plus difficile à convaincre !

Alain et Guy

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