27 février 2009

Jamal, la Gran Torino et les dîners en ville

Entre Oscars et Césars, quelques films…

« Slumdog », de Danny Boyle

Un orphelin originaire des bidonvilles de Bombay est sur le point de gagner la version indienne de « Qui veut gagner des millions ». Pourtant, gagner beaucoup d’argent n’est pas le but de Jamal Malik : celui-ci a un secret…

A la fois mélodrame bollywoodien et saga hollywoodienne, le film de Boyle est un assez joli morceau de cinéma récemment couvert d’Oscars. Ce conte de fée contrarié se déroule dans l’arrière-cours du « miracle indien » sur fond de misère, de brutalité et de corruption. Du coup, le contexte du film devient plus intéressant que l’histoire un peu convenue de Jamal…

« Gran Torino », de Clint Eastwood

Walt Kowalski est un ancien de la guerre de Corée… et de la chaîne de l’industrie automobile américaine. Inflexible, amer et pétri de préjugés, il vit dans une banlieue de Détroit majoritairement habitée par la communauté asiatique Hmong. Il passe son temps à bichonner sa Ford Gran Torino des années soixante-dix et à maugrée contre les « faces de nem », ses voisins si peu désirés. Pourtant, parce qu’il n’hésite pas à protéger physiquement contre un gang les adolescents de la maison voisine, il devient, à son corps défendant, le héros du quartier. Acculé à la vengeance par les voyous, il finira par régler le problème sans jouer pour autant les « Dirty Harry ».

On l’a compris, « Gran Torino » est une nouvelle variation – et pas la moins réussie – sur le thème de la rédemption. L’originalité de ce dernie film est de nous persuader que cette rédemption-là concerne plus Clint Eastwood lui-même que Kowalski. Sur ce point, et sur ce point seulement, on peut dire que « Gran Torino » est inutile car il y a déjà bien longtemps que l’on a pardonné au grand Clint.

Si mes souvenirs sont bons, c’était quelque part sur la route de Madison…

« Le code a changé », de Danièle Thompson

Boyle explore les bidonvilles de Bombay, Eastwood les banlieues de Détroit, Danièle Thompson s’interroge gravement sur les dîners en ville. On a l’objet sociologique que l’on mérite…

Pour autant, le film, bâti autour de ce rite social, est bien joué et souvent drôle. De là à comparer Thompson à Sautet, comme on a pu le dire ici ou là, il y a une marge. Celle qui sépare le circonstanciel de l’existentiel.

Cela dit, si Madame Thompson a ds problèmes avec les dîners en ville, elle n’a qu’à faire comme moi et n’accepter que les invitations des gens qu’elle aime. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai accepté deux de ces invitations et j’ai rencontré, de la responsable en communication d’une grande maison de haute couture au prof spécialiste du langage des signes, des tas de gens passionnants. Le tout dans une ambiance amicale qui n’avait rien à voir avec la guerre de tranchée du « code a changé ».

22 février 2009

L’enquête corse

Depuis des années, j’ai cessé de me passionner pour la question corse. Pourtant, le hasard m’a amené à croiser dans ma vie plusieurs protagonistes du procès Colonna.

Tout d’abord, Jean-Hugues Colonna, le père d’Yvan : il fut notre compagnon de militantisme dans le PS des années soixante-dix. Nous avons même fait partie du tout petit groupe qui l’avait encouragé à se présenter aux législatives. C’est ainsi que, surfant sur la vague rose de 81, il devint député des Alpes-Maritimes dans la 3e circonscription. Dans la foulée, Dominique fut, pendant quelques années son assistante parlementaire à mi-temps. C’est à cette époque que nous avons croisé Yvan, mais j’avoue ne pas en avoir gardé un souvenir très précis. Par contre, Jean-Hugues, républicain convaincu aux antipodes des idées autonomistes de ses enfants, fut jusqu’à la chute de Jacques Médecin à laquelle il contribua grandement, notre leader. Aussi, depuis le début de ce drame, c’est vers lui et sa femme, Cécile, que vont nos pensées. La vie est ainsi faite que la peine des gens que l’on connaît nous touche plus que celle de ceux que nous ne connaissons pas.

Ensuite, il y a le principal avocat de la défense, Antoine Sollacaro, qui était étudiant dans notre promotion de la fac de droit. L’université de Corte n’existant pas encore, les jeunes nationalistes faisaient tous leurs études à Nice. C’est ainsi qu’à l’instar de Sollacaro ou de Léo Battesti, par exemple, nous avons connu la fine fleur du FLNC. Des compagnons avec lesquels nous entretenions des relations cordiales quoique assez distantes dans la mesure où ils préféraient rester entre eux dans leur bastion de la Cité U des Collinettes.

Enfin, il y a à peine quelques jours, c’est en lisant la presse que, à ma grande surprise, j’ai reconnu Didier Vinolas, le fameux témoin surprise avec lequel j’ai partagé, il y a deux ans, une mission au Haut-Karabakh. Nous faisions partie tous les deux d’une délégation d’observateurs internationaux chargés de surveiller la régularité du référendum constituant de ce territoire coincé entre Arménie et Azerbaïdjan. Le jour du vote, c’est en binôme que nous avions fait le tour des villages de montagne sur les routes enneigées en Niva 4x4. De Vinolas, j’ai gardé le souvenir d’un homme affable et drôle, au profil de grand commis de l’Etat. Nous avions, à l’époque, évoqué la situation en Corse, mais je n’avais eu droit à aucune révélation…

On le voit, tout cela constitue un étrange concours de circonstances pour quelqu’un qui n’avait suivi le premier procès qu’à travers la presse et la BD-document de Tignas et Paganelli, « Le procès Colonna ».

D’ailleurs, à l’heure actuelle, si je devais résumer mon état d’esprit vis-à-vis de la tragi-comédie corse, c’est à une autre BD que je ferai référence : la cultissime « Enquête corse » de Pétillon. La situation présente en Corse ne vaut pas mieux que cette pantalonnade drolatique dont aucun protagoniste ne sort indemne.

21 février 2009

Les quatre futurs ?



Cette photo a été prise en 1986 dans une ville méditerranéenne. Les quatre personnages ont actuellement des fonctions d'inégale importance qu'ils n'avaient pas à l'époque. Lesquelles ? réponse dans vingt-quatre heures...

19 février 2009

Manif des enseignants-chercheurs et laboratoire d’idées


Les jambes endolories par un entraînement matinal un peu sévère, j’ai pris part ce jeudi après-midi à la troisième manifestation des enseignants-chercheurs. La mobilisation reste forte face au mutisme d’un pouvoir hautain et je ne me lasse pas de retrouver, semaine après semaine, autant de collègues d’horizons disciplinaires et politiques si différents.

Cela dit, une fois de plus, on me fait remarquer qu’à l’exception de quelques têtes d’affiches, la présence de la Fédé du PS 06 est plutôt light. Aujourd’hui, je peux répondre car j’ai une explication à cette mobilisation plutôt faiblarde. Un peu par hasard, je suis tombé sur l’organigramme de la Fédé en consultant Internet. Au beau milieu de cet organigramme en forme d’armée mexicaine (cinquante-deux responsables ! A côté, le staff d’Obama semble frappé d’anorexie), on trouve une perle : Biscarra a son « laboratoire d’idées ». Un certain Christian Garnier préside ce laboratoire composé de quatre sous laboratoires et de… dix-sept chercheurs.

Dès lors, il me plaît d’imaginer, un peu à la manière du labo de l’émission Palace, une véritable ruche dans les sous-sols de la Fédération PS où, en blouse blanche et éprouvette à la main, les cinquante-deux responsables cherchent des solutions à la crise au milieu des fumées vertes et des cornues glougloutantes affolées par quelques élixirs mystérieux…

Du coup, ému par cette image, je me suis dit qu’on pouvait bien leur pardonner quelques absences aux manifs…

17 février 2009

Les théâtres du 5e canton

La Compagnie Miranda


Ce soir, dans sa salle du Cube (2 rue Calvino) lovée au cœur du 5e canton, la Compagnie Miranda fêtait à sa façon la Saint Valentin avec un spectacle-lecture intitulé « Petits mots en mal d’amour ». C’est donc avec bonheur que j’ai goûté ces « petits mots », au début d’une semaine qui sera marquée, comme les précédentes, par le bruit et la fureur de la tempête sociale.

Comme élu, c’est avec conviction que j’essaie d’aider la Compagnie Miranda, dirigée par cet animateur infatigable qu’est Thierry Surace, et qui, au delà de sa contribution artistique à l’animation culturelle de la cité, a une implication citoyenne forte. Et de l'aide, Miranda en aura besoin après la suppression par la mairie du spectacle-culte de l'été : « la Castellada ».

Mais il ne faudrait pas croire que le Cube est le seul théâtre de mon canton. C’est ainsi que, pas plus tard que dimanche après-midi, un peu plus au nord, dans la confortable salle du Théâtre de la Tour (boulevard Gorbella), j’assistais au dernier spectacle du Cercle Molière, « Un air de famille » de Jaoui-Bacri, avec une Fabienne Gardon en grande forme dans le rôle de Yoyo (en décembre, c’était Martine Pujol et sa délicieuse « Belle époque »).

Le Cube, le Théâtre de la Tour… ce n’est pas tout ! Il y a, au sud du canton, deux autres salles dont les dimensions et l’ambiance rappellent les cafés théâtres parisiens.

Rue Prince Maurice, on trouve Le Bocal, où nous avons pu voir, par exemple, en novembre dernier, une très intelligente et drôle version de « Mais ne te promène donc pas toute nue » de Feydeau, revisitée par la Compagnie Série Illimitée. La salle est chaleureuse, le soir du Beaujolais nouveau un petit casse-croûte est offert à la fin du spectacle et Elisabeth, ma voisine de palier fait souvent partie de la distribution…

Rue Clément Roassal, est installé depuis quelques années, un théâtre dénommé Le Village. Sa programmation est éclectique, on y joue même des pièces en niçois. Ces soirs-là, la proximité entre spectateurs et acteurs se transforme en complicité. Véritable espace associatif, la salle peut être louée pour des manifestations privées. C’est ici, par exemple, que s’est déroulée la fête mémorable qui a suivi le mariage (réalisé par mes soins en mairie de Nice) de notre colistier aux dernières municipales, Valentin, et de Mirabelle.

Avec quatre théâtres dans le canton, le conseiller général est satisfait, même si l’amateur de théâtre a un petit regret. Pourquoi le théâtre de L’Alphabet, si cher à mon cœur pour avoir accueilli mes deux premières pièces une vingtaine de soirées, a-t-il son emprise sur le si lointain boulevard Carabacel ?

15 février 2009

Patrimoine : 2 v, 1 n, 1 d


Ce dimanche, j’étais invité à l’Assemblée générale de la SCA (Société centrale d’agriculture). Plusieurs fois, les responsables de l’association font allusion au rôle qui fut le mien dans le long combat mené pour la sauvegarde de ce fleuron du patrimoine niçois qu’est le Palais de l’agriculture sur la Promenade des Anglais.

Aujourd’hui, la restauration financée par le Conseil général va bon train et l’association a été confirmée la semaine dernière par le Conseil d’Etat comme étant la légitime propriétaire des lieux. La victoire est donc totale : les velléités de démolition ne sont plus qu’un mauvais souvenir et ma fierté est grande lorsqu’en me rendant à la fac je passe devant le bâtiment recouvert d’échafaudages prometteurs.

C’est que j’ai toujours été persuadé que la mémoire des hommes avait besoin de lieux symboliques pour s’épanouir et se transmettre. D’où les nombreux combats que j’ai menés pour le patrimoine. Des combats pas toujours victorieux.

Le premier fut celui livré dans les années quatre-vingt pour le Palais de la Méditerranée, avec les associations, avec les élus de gauche conduits par Séraphin Pinto, et avec Jack Lang, le ministre de la Culture. Malheureusement, nous n’avions pu sauver que la façade. En effet, la mode était alors au « façadisme », cette aberration dont on peut juger aujourd’hui les effets désastreux avec la construction de l’hôtel, kyste monstrueux adossé à ce qui n’est plus qu’un vestige.

Autre combat, complètement perdu celui-là : la sauvegarde du Castel des Deux-Rois entreprise en duo avec Jean-François Knecht. En effet, nous nous étions pris d’affection pour cette élégante construction qui dominait le parc si cher à notre ami Henri Cottalorda (responsable de certains aménagements). Alors que nous mobilisions associations et citoyens, un bulldozer étrangement maladroit réduira le bâtiment en un petit tas de ruines. Il ne me restera plus qu’à attaquer le maire de l’époque pour « non assistance à patrimoine en danger » devant les caméras de France 3, ce qui vaudra quelques ennuis professionnels à la courageuse journaliste qui avait réalisé le reportage.

Pour me consoler, heureusement, il y aura, à peu près à la même époque, la glorieuse épopée de la Gare du Sud. Quatre ans de combat, avec les associations, avec Wanda Diebolt, la Directrice du Patrimoine, avec Catherine Tasca (décidément, la patrimoine niçois doit beaucoup aux ministres de gauche), et ce fut la plus belle, la plus éclatante et la plus niçoise des victoires. Celle qui me libèrera de ce qui avait fini par devenir « ma tendre obsession » !

12 février 2009

Williamson n'a jamais existé


Pour ce cinquième voyage de la mémoire, le troisième avec mon cher collège Vernier, l’hiver polonais – neige et quelques degrés en dessous de zéro – s’était chargé de nous rappeler la dureté du climat subi par les déportés de Birkenau et d’Auschwitz qui avaient échappé à l’élimination physique immédiate.

Mais, plus que la rigueur climatique, je retiendrai de cette journée le moment parfait offert par quelques collégiens lisant, la voix assurée malgré l’émotion, de petits textes évoquant l’indicible, devant le monument des martyrs. Avec les mots de Simone Veil ou de Jean Ferrat, ils nous rappelaient à leur façon que rien n’est fini puisque « cela » avait existé. Et si la Shoah est unique, l’inhumanité demeure tapie dans les replis de notre indifférence.

Et pourtant, tout cela, il se trouve des hommes d’église pour le nier, le refouler, l’anéantir.

Pour moi, tout est simple.

En niant la Shoah, Williamson s’est abstrait de la communauté des hommes.

Il n’existe plus.

Il n’a jamais existé. Et pas besoin de preuve pour le vérifier.

Par contre, les autres, les complices, ceux qui demandent mollement une rétractation pour solde de tout compte, eux, ils existent… En fait ils poursuivent un objectif : rassembler la famille chrétienne sur le dos du peuple juif. Comment ? En piétinant Vatican II et en ressuscitant le bon vieil antisémitisme chrétien qui fait de Ponce Pilate un brave type un peu dépassé par les événements et des juifs, collectivement, les responsables de la mort du Christ.

Et ce projet là, il faut s'en persuader, lui aussi, il existe vraiment...

09 février 2009

5.18 Clément Ader

Ecole Saint Barthélemy, pendant la récré

Notre exploration méthodique nous conduit aujourd’hui au nord-ouest du 5e canton sur le territoire du bureau 5.18 qui porte le nom de l’avenue Clément Ader, le pionnier de l’aéronautique, inventeur du mot « avion ». Ce cher Clément n’avait pourtant pas de liens particuliers avec Nice, même si les « Vieilles Tiges » de la région ont voulu lui rendre hommage avec une plaque commémorative.

Les principales rues du bureau 5.18 sont en fait parallèles à Clément Ader. Ainsi, du sud au nord :

- L’avenue François Bottau (du nom de l’héritier qui a cédé le terrain pour percer la voie entre Cyrille Besset et Cessole) est avant tout celle de l’école Saint Barthélemy (maternelle, mixtes 1 et 2). Il y a quelques années, je me souviens avoir grandement contribué au maintien d’une des deux mixtes menacée par je ne sais plus quel ministre, grâce à l’aide de la regrettée Pascale Saroléa qui travaillait alors auprès du recteur. Il y a quelques semaines encore, c’est avec les parents d’élèves que nous avons « occupé » la maternelle dans le cadre du mouvement anti-Darcos.

- Dans l’avenue René Boylesve (un écrivain bien oublié), au n° 12, Frédéric, jeune chef d’entreprise, avait mis à notre disposition le rez-de-chaussée inoccupé des locaux de sa start-up en 2004 pour fêter ma réélection. Plus de deux cents personnes étaient présentes et la soirée fut mémorable. Evacuant le stress de la campagne électorale, nombreux furent ceux qui se prirent ce soir-là pour Travolta version Saturday night fever ou version Pulp fiction, selon la génération… Dominique, quant à elle, « fêtait » sa défaite dans le 7e canton avec 19 voix d’écart (mais on connaît la suite !).

- Rien à remarquer de spécial, si ce n’est les nombreuses dents creuses, avenue Valdiletta (Vallée bien-aimée en italien) ou chemin de la Maion Grossa (la grosse maison en niçois). Notons toutefois, au débouché de cette dernière sur Cessole, la pizzeria Cyrnos, située en face du local du Parti communiste de Nice Nord, où des générations de militants ( J'en étais...) ont refait le monde.

Pour compléter le bureau 5.18, il faut encore citer le début de la rue des Boers (n° 1 à 15) avec le siège du CEAS, la curieuse avenue de Plaisance, petit appendice hors du temps greffé sur la rue Paul Bounin, et surtout l’avenue de Grignan et ses orangers. C’est dans cette avenue qu’habitait le plus que centenaire du canton, un monsieur charmant qui m’écrivait régulièrement pour me proposer des solutions afin de régler les problèmes (peu nombreux) de ce quartier si calme. Mais le plus étonnant était son nom : en effet, il s’appelait Charles… Magne. Au-delà des échanges épistolaires, je n’ai jamais eu l’occasion de vérifier s’il avait la barbe fleurie.

Voir aussi :
5.13 Gorbella
5.02 Joseph Garnier
5.12 Fontaine du Temple
5.03 Vernier

07 février 2009

AG œcuménique à Valrose


Ça tâtonne, ça cafouille un peu, ça coince parfois, les contradictions apparaissent, l’inorganisation est patente… et pourtant ça avance !

Aujourd’hui à midi, AG historique puisqu’on retrouve tous les campus niçois dans une même salle à Valrose.

Etonnant apprentissage d’une communauté en colère qui veut vivre ensemble en surmontant ses contradictions : enseignants-chercheurs, chercheurs, IATOS, étudiants, juristes, littéraires, scientifiques… tout le caléidoscope universitaire est présent. Du passé faisons table rase, même le représentant de l’Autonome est là.

A l’évidence, le mouvement n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière et Dominique ne peut s’empêcher de monter à la tribune pour houspiller l’apparente modération des responsables syndicaux. Peut-être ont-ils tort ? Peut-être ont-ils raison ?

Tout est si nouveau, apprenons ensemble.

Et rendez-vous est pris pour lundi, mardi, mercredi… jusqu’à la victoire de tous avec tous contre les fossoyeurs du service public universitaire.

Sur l'analyse du décret Pécresse voir le blog de Dominique Boy-Mottard et le communiqué intersyndical sur le site de Gauche Autrement.


05 février 2009

Syngué sabour

Entre AG et manif, même en pleine crise universitaire, il n’est pas interdit de continuer à lire.

Aujourd’hui, ma lecture est aussi une révélation. Révélation tardive, puisqu’il s’agit du très médiatisé « Syngué sabour » de l’écrivain franco-afghan Atiq Rahimi, prix Goncourt 2008.

Ce petit livre austère parle en fait de la terrible dépendance-désespérance des femmes « quelque part en Afghanistan ou ailleurs ».

Avec, en toile de fond, une guerre probablement juste dans un premier temps avant de devenir infamie au service d’une infamie, une jeune femme obligée de soigner son mari mourant (une balle de Kalachnikov dans la nuque) se révolte.

Une révolte sourde, silencieuse, mais irréversible. Elle fait du corps inerte du combattant (Taliban ?) sa syngué sabour, sa pierre de patience, cette pierre magique que dans la mythologie perse on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs… On lui confie tout ce que l’on n’ose pas révéler aux autres. Et la pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les secrets, jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate. Et ce jour-là, on est délivré.

C’est ainsi que l’héroïne de Rahimi dit tout à ce mari qu’on lui a imposé quand elle était jeune fille : ses humiliations, ses terreurs, sa sensualité étouffée, sa féminité méprisée. Elle lui dit son horreur d’une société qui fait de la prostituée – la seule qui impose un échange : argent contre sexe –, une femme moins soumise que les autres. Elle lui révèle son dégoût pour ce monde où l’autre moitié du ciel est réduite à une sous-humanité au nom d’un Coran dévoyé.

Et si, au final, la syngué sabour explose, on se dit qu’en terre d’Islam radical la délivrance n’est pas pour demain.

04 février 2009

La ritournelle de Grégoire




Ponctuation de nos vies, les chansons populaires sont autant de petites madeleines…

Par quel sortilège une chanson entre dans votre tête et n’en sort plus pendant des jours et des jours ?

Sans vous en rendre compte, vous vous retrouvez comme ensorcelé par quelques notes et des mots que vous entendez partout, que vous attendez partout… Puis un jour, sans crier gare, ils vous quitteront pour endosser les oripeaux sépias de la nostalgie.

La ritournelle du jour s’appelle Toi + Moi d’un dénommé Grégoire. Je ne connaissais ni la chanson, ni le chanteur, mais ils se sont installés en moi doucement, sans crier gare !

Quelques passages radios en voiture, un haut-parleur syndical à la manif du 29 janvier, le clip (à l’esthétique Facebook, chaleureux et décontracté) aperçu dans les bars ou sur le cable…

« Toi plus moi, plus eux, plus tous ceux qui veulent
Plus lui, plus elle, et tous ceux qui sont seuls
Allez, venez et entrez dans la danse
Allez, venez, laissez faire l’insouciance

A deux, à mille, je sais qu’on est capable
Tout est possible, tout est réalisable
On peut s’enfuir bien plus haut que nos rêves
On peut partir bien plus loin que la grève
»

Ce n’est pas du Léo Ferré ni même du Souchon. C’est une simple ritournelle fragile et pudique, vaguement obsédante. Ce sera celle de l’hiver 2009.

« Et même si elle ne change pas le monde
Elle vous invite à entrer dans la danse…
»

01 février 2009

Le diable n’aime pas la course à pied



CHRONIQUE PÉDESTRE

Boulevard Franck Pilatte, il est presque 9 heures, et c’est par un temps gris et même un peu triste que va être donné le départ du semi-marathon Nice-Monaco (« de l’enfer social au paradis fiscal » dira l’ami Franck sur Facebook).

J’ai juste le temps d’enclencher la séquence nostalgie. En m’échauffant aux abords du tribunal administratif, lieu de tant de batailles politico-judiciaires, je me souviens qu’en 1984 j’avais déjà participé à cette honorable épreuve. De l’évocation à l’invocation, il n’y a qu’un pas et me voilà prêt à vendre mon âme au diable pour récupérer un peu de la vigueur athlétique qui était la mienne à l’époque.

Plus prosaïquement, j’ingurgite un petit tube de « gel antioxydant » parfumé à la pomme verte (« - J'lui trouve un goût de pomme… - Y'en a » comme diraient les Tontons flingueurs). Sans préjuger de l’efficacité du produit, son absorption est une véritable épreuve. Son goût – long en bouche – me donne instantanément l’envie de traduire son fabricant devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour torture gustative.

Heureusement, le spectacle de Clotilde déguisée en Hawaïenne (hommage à B.O. ?) est un joyeux dérivatif. Il ne manque que l’ukulélé pour qu’on assiste à la naissance de Marilyn Gimond !

Le départ est enfin donné et, très vite, nous ramons dans la côte plutôt raide qui doit nous conduire sur la Basse corniche. Dominique, spectatrice photographe, est saisie par le syndrome de Richard et court auprès de moi une centaine de mètres. Un « Che » décontracté et un Claudio concentré me dépassent coup sur coup en me prodiguant de sympathiques encouragements. Pour eux, pas de problème : ce sont des « pros » qui terminent en moins de deux heures les doigts dans le nez et le torse avantageux (en 1h 58mn 32s et 1h 59mn 14s... respect!)

Laurent, en Hawaïen minimaliste (il porte un simple collier de fleurs) me double à son tour. En fait, on aura compris que je ne suis pas un émule du grand Federico Bahamontes et que je ne goûte que très modérément côtes, cols et bosses…

Un kilomètre plus loin, requinqué par la légère descente de la route de la Corniche, je rattrape même Laurent : coup de fatigue ou stratégie ? Je vais avoir une réponse rapide à cette question quand, dans la descente sur Villefranche, l’Hawaïen sournois me dépasse façon Ayrton Senna, me réduisant à un rôle de Paul Belmondo du macadam.

Je verrai, jusqu’aux abords de Saint-Jean-Cap-Ferrat son collier de fleurs danser loin devant moi, avant qu’il ne disparaisse définitivement, entraînant son heureux propriétaire vers une performance impressionnante pour quelqu’un qui s’est peu entraîné ces dernières semaines (quelques secondes en dessous de deux heures... 1h 59mn 46s)

Rendu à ma solitude, je progresse avec une certaine aisance sur un terrain connu. Villefranche, Cap Ferrat, Beaulieu, 5e kilomètre, 10e kilomètre.

A mi-parcours, petite angoisse : malgré le gel pomme verte, ma traditionnelle crampe au mollet droit se réveille. Elle ne me quittera pas jusqu’à l’arrivée, sans vraiment gêner ma course.

Après la longue ligne droite d’Eze, nous contournons les tunnels routiers en prenant un petit chemin à flanc de falaise. Un vent assez fort souffle de face et rend plus que pénible notre progression. Comme on dit dans le jargon cycliste, je suis victime de la « sorcière aux dents vertes » (rien à voir avec le gel de la même couleur) : foulée saccadée, souffle court, moral dans les chaussettes de contention. Un concurrent sympa qui apparemment me connaît (« ça va Patrick ? ») m’offre de l’eau. Ce simple geste me reconforte et la défaillance n’est plus qu’un mauvais souvenir quand je vois le panneau du 15e kilomètre.

Encore un « troisième catégorie » sur les hauteurs de Cap d’Ail et c’est la descente sur Monaco. Quand arrive la dernière ligne droite et le sprint final, j’ai l’élégance de ne pas ajuster la concurrente qui est devant moi (en réalité, j’ai peur de me faire huer par les spectatrices, nombreuses à l’arrivée). La ligne franchie, je peux savourer le temps réalisé : 2 heures 6 minutes et 10 secondes… soit seulement dix secondes de plus que l’objectif que je m’étais fixé pour les 21,1 kilomètres.

Cela dit, l’accélération finale à laquelle je me suis astreint dans les derniers kilomètres était nécessaire car la horde des Hawaïennes conduite par Clotilde était sur mes talons (2h 07mn 31s).

Soulagé et même comblé, je ne suis pas vraiment fatigué. C’est à ce moment que, dans un coin de ma mémoire, je retrouve le temps réalisé en 1984 : 1 heure 35 minutes et 30 secondes… Manifestement, le diable n’aime pas la course à pied. A moins que, pour des raisons qui m’échappent totalement, il ne veuille pas de mon âme…