31 mai 2007

Les dames de la Côte


Ambiance chaleureuse sous les lambris du grand salon de l’hôtel Westminster pour le meeting des candidates du PS et du PRG dans les Alpes Maritimes. Noria Chaïb excusée pour des raisons de santé, il y avait Pascale Gérard de Menton, chantre de la VIe République, Elodie Jomat, porteuse d’un message de rénovation éthique des pratiques politiques, Apolline Crapiz de Cannes, incarnant l’esprit de résistance en terre électorale hostile. Et puis bien sûr Dominique Boy-Mottard, l’inspiratrice de la soirée qui avait choisi de parler de l’exigence de solidarité dont nous sommes porteur à moins de nous renier. Solidarité dans l’espace à travers le co-développement, solidarité dans le temps avec le développement durable.

Je déteste l’idée selon laquelle les femmes feraient la politique autrement, qu’elles seraient porteuses de valeurs spécifiques, qu’elles incarneraient le renouveau de la politique, etc… Et pourtant, en écoutant ces Dames de la Côte - comme l’a dit joliment l’une d’elle - à écouter leurs discours concrets, réalistes, directs… et plutôt courts, je me dis que j’ai peut être tort de détester cette idée. Alors je ne sais pas si la femme est l’avenir de l’Homme mais plus prosaïquement - et je n’étais pas le seul à le penser - j’ai trouvé cette réunion nettement moins "chiante" que nos réunions habituelles !

27 mai 2007

Mungiu fait son Emir

Dimanche, il est dix-sept heures, le générique de fin de La vieille maîtresse défile encore, mais je sors rapidement de la salle Bazin pour trouver un endroit tranquille dans le bunker afin de me réunir d’urgence avec moi-même pour concocter un petit palmarès personnel deux heures avant le jury. En fait, la délibération est rapide. Pour moi cinq films se détachent spontanément du lot. Il ne me reste plus qu’à trouver un semblant de classement et cela donne :

1 – Lumière silencieuse
2 – Les chansons d’amour
3 – My blueberry nights
4 – 4 mois, 3 semaines et 2 jours
5 – Paranoid park

Vingt heures. Le jury vient de donner son palmarès. Je constate sans surprise que mes goûts ne sont pas très éloignés de ceux de l’équipe de Stephen Frears dont j’appréciais plutôt la composition. Je retrouve en effet trois des cinq films que j’avais sélectionnés dans mon palmarès.

Lumière silencieuse a le prix du jury (ex æquo avec Persépolis, que je n’ai pas vu, mais dont j’apprécie la BD).

Paranoid park (en fait surtout Gus Van Sant) a le prestigieux prix du soixantième anniversaire.

Et surtout, la Palme d’or est attribuée à 4 mois, 3 semaines et 2 jours du Roumain Cristian Mungiu. Une palme méritée qui me rappelle Papa est en voyage d’affaire, une palme déjà ancienne d’un certain Emir Kusturica. Au tour de Mungiu de penser que La vie est un miracle.

Lumière silencieuse

Le dernier Dimanche du Festival est une sorte de journée de rattrapage qui permet de voir les films manqués au moment de la présentation journalière et officielle. J’ai donc profité de l’aubaine pour voir trois films. Les derniers de l’édition 2007… Snif !


« Promets moi » (Promise me this) de Emir Kusturica

Le réalisateur bosno-serbe fait partie, avec notamment Almodovar et Kaurismaki, des rares réalisateurs contemporains qui ont inventé un univers à eux, bien à eux. Un monde pas tout à fait déconnecté de la réalité sociale et culturelle mais qui s’envole très souvent dans l’éther de la licence poétique. Sous forme de farce picaresque, ce « Promets moi » nous fait entrer de pleins pieds dans le Kustuland : on y voit un paysan envoyer son petit-fils en mission dans la ville voisine pour vendre une vache et trouver… une femme ! Dans des Balkans de nulle part (cette fois, on ne pourra pas reprocher à Kusturica son supposé nationalisme serbe), on retrouve les fanfares, les mafieux-ringards, les paysans rusés, les animaux généralement martyrisés, les belles pas toujours ingénues, les paysages sylvestres. Avec, en prime, quelques inventions savoureuses comme le chat-boomerang, la castration ludique où la Trabant limousine…


« Lumière silencieuse » (Stellet licht) de Carlos Reygadas

Le film du mexicain Reygadas sera pour moi la révélation du festival.

Johan marié et père de famille fait partie d’une communauté mennonite du nord du Mexique. Une communauté ultra religieuse (je peux en témoigner pour avoir visité un village mennonite en Australie, il y a quelques années… pas des rigolos !). En contradiction avec la loi de dieu Johan tombe amoureux d’une autre femme et commet le péché d’adultère. Cette histoire à la fois banale et située atteint très vite l’universel : nous sommes tous des mennonites mexicains ! Sur le remord, la culpabilité, la jalousie, l’amour, la fatalité, tout est dit dans ce film dont l’esthétique n’est pas sans nous rappeler celle du peintre américain Edward Hopper. Certaines scènes resteront gravées dans ma mémoire : la confession de Johan à son père pasteur, la toilette mortuaire, le bain en famille, le premier baiser adultère…

Pas de doute pour porter un regard aussi tendre et pitoyable sur ses semblables, ce Carlos doit être un type bien.


« Une vieille maîtresse » de Catherine Breillat

Ces sous Liaisons dangereuses ont probablement consterné le président Frears. Cette adaptation de Chloderlos de Laclos laisse en effet perplexe. L’originalité supposée du film repose tout entière sur le personnage sulfureux et le physique décalé de l’actrice Asia Argento. Mais le reste de la distribution est si mièvre et la réalisation si paresseuse qu’un seul mot vient à l’esprit pour qualifier l’entreprise : inutile.

26 mai 2007

Le Conseil d’après

Vendredi, 8 h 30, Mairie de Nice.

Premier conseil municipal sans Jean François Knecht : minute de silence, hommage sonore de Patrice dans le public et nous voilà confrontés à l’absence.

Absence de celui qui nous apportait tant, politiquement et humainement. Une tristesse qui n’empêche pas la colère – partagée avec sa famille et ses vrais amis – devant l’indécence de ceux qui l’ont tellement tourmenté ces deux dernières années (je ne parle pas bien sûr des différends politiques normaux) et qui maintenant se revendiquent de lui. Parfois je me demande si je suis vraiment fait pour la politique. Pas cette politique-là en tout cas.

Vendredi, 20 h 30, St Antoine de Ginestière.

Sur la place du quartier-village, nous avons rendez-vous avec des amis. Juste le temps de me souvenir qu’il y a à peine quelques semaines nous débarquions ici avec JFK un peu comme des extra-terrestres, casqués et retardataires, en scooter, au beau milieu de la fête paroissiale.

Et le souvenir du scooter rouge balaie mes doutes du matin.

24 mai 2007

Les marches du Palais, l’escalator de Virgin


Mercredi et jeudi, pour participer à l’événement le plus sympathique de la Côte, il s’agissait moins de gravir les célébrissimes marches du Palais que de se laisser transporter par l’escalator du Mégastore de Nice pour accéder au très cosy Virgin café afin d’assister à la première réunion cantonale (4e) de la campagne de Doms dans la 2e circonscription. A un moment où le festival accuse un coup de mou, on peut dire que mercredi soir le spectacle fut de qualité : une salle remplie, un public enthousiaste, des produits dérivés surprenants (une mention pour les t-shirt… oranges !), une « guest star » pleine d’humour ( Jean-Christophe Picard n’hésite pas à comparer la candidate à… Harry Potter pour avoir transformé magiquement un canton conservateur en canton de gauche… les Moldus n’en sont pas encore revenus !) et bien sûr la vedette de la soirée, mobilisatrice à souhait, mais refusant comme dab les artifices de la langue de bois.

Côté Cannes, le bilan n’est pas vraiment flamboyant : quatre films d’inégal intérêt, un film germano-turc un peu compliqué, un film hongrois pour cinéphile pur et dur, un film russe un peu naïf, un futur grand succès américain, moitié Pitt, moitié Clooney.


« De l’autre coté » (Auf der anderen) de Fatih Akin

Une demi-douzaine de personnages allemands et turcs s’entrecroisent… entre l’Allemagne et la Turquie.

Ali, immigré turc décide de vivre avec Yeter, une prostituée menacée par les islamistes (seule scène politique du film qui soit vraiment crédible) . A la suite d’une dispute, il la tue. Néjat, son fils prof de fac, rompt avec ce père indigne et retourne en Turquie pour retrouver Ayten, la fille de Yeter. En fait, Ayten, terroriste d’extrême gauche, vit clandestinement en Allemagne avec Lotte, sa petite amie, sous l’oeil désapprobateur de Suzanne, la maman (la grande Hanna Schygulla). Mais Ayten est expulsée et retourne en prison à Istanbul. Lotte, qui l’a suivie, est tuée par un sauvageon local. La maman de celle-ci, touchée par la grâce, décide d’aider Ayten en mémoire de sa fille. Logiquement, elle loue un petit pied-à-terre stambouliote et se retrouve dans l’appart de… je vous le donne en mille… Néjat, vous vous souvenez le fils de… ! J’arrête là, vous avez compris le scénario est inutilement alambiqué et pour tout dire pas très crédible. Dommage, car l’idée de départ – la confrontation de deux cultures éloignées et proches en même temps – était intéressante et les acteurs sont bons (magnifique Nurgul Yesilcay). En plus, nous apprenons une très bonne nouvelle : les prisons turques sont devenues nettement plus fréquentables qu’à l’époque de « Midnight Express » : optimisme exagéré du réalisateur ou effet Union Européenne ? Affaire à suivre.


« The man from London » de Béla Tarr

Le gag du festival : un port hanséatique reconstitué… à Bastia ! A part cette incongruité « L’homme de Londres » (d’après Simenon) est un pensum de deux heures douze : plans fixes interminables, premier élément de dialogues après une demi-heure de film, brouillard fumigènes à gogo, musique corne de brume… Michel et Alain, mes fidèles co-festivaliers, ont quitté le navire à mi-film comme un bon tiers de la salle. Stoïquement, je suis resté jusqu’à la fin, mais je ne suis pas sûr d’avoir eu raison.


« Alexandra » d’Alexandre Sokurov

Un officier russe basé en Tchétchénie reçoit la visite de sa grand-mère. La vieille dame, au physique rappelant étrangement Tatie Danielle, n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à quitter le camp pour aller se promener dans le village voisin et se lier d’amitié avec quelques femmes tchétchènes. Message subliminal : « Si toutes les taties du monde voulaient bien se donner la main ». La morale est sympathique mais, à mon humble avis, se débarrasser de Poutine serait nettement plus efficace. Trop réaliste pour être une fable à la Benigni, trop naïf pour être une profession de foi à la Loach, le film de Sokurov a l’inconvénient de ne pas choisir.


« Ocean’s thirteen » de Steven Soderbergh

Opus numéro 3, moins compliqué, moins sophistiqué, et plus drôle que les deux premiers (Andy Garcia à la télévision, en héros caritatif malgré lui, est impayable). Les spectatrices étaient d’accord pour dire que Brad Pitt et George Clooney n’ont jamais été aussi beaux. Admettons.

22 mai 2007

Les ados de Gus, les bimbos de Quentin

Entre lundi et mardi, seulement trois films au compteur, mais pas n’importe lesquels : ceux de deux anciennes palmes d’or, Gus Van Sant et Quentin Tarentino, et celui, plus inattendu, du peintre-cinéaste Julian Schnabel.


Paranoid Park de Gus Van Sant

Alex, jeune skateur de seize ans, tue accidentellement un agent de sécurité tout près du skate park le plus mal famé de Portland (Oregon), le Paranoid Park. Après avoir hésité, il décide de ne rien dire.

Personne ne filme le monde de l’adolescence comme Gus Van Sant. Même pas la Sofia Coppola de « Virgin suicides ». Flottant, sans mémoire et sans avenir, dans un présent amniotique, la plupart des ados américains attendent avec résignation le passage du train sans retour de l’american way of life. Certains n’arrivent pas à s’y résoudre et cela donne « Elephant ». Alex, lui, est un peu entre les deux. Il s’interroge beaucoup sur ce monde d’adultes évanescents (ils sont symboliquement floutés à l’écran) et côtoie la marginalité au skate park ; mais il faudra le drame dont il est le responsable involontaire pour qu’il comprenne qu’il ne sera jamais comme les autres. Pour le meilleur et pour le pire, le drame impuni mais assumé l’empêchera de rentrer dans le moule. Pas forcément une mauvaise nouvelle.

Une histoire simple, servie par le style elliptique et fluide de Gus Van Sant, injustement oublié au palmarès en 2005 pour son magnifique « Last days » (les derniers jours du chanteur de Nirvana).


Boulevard de la mort de Quentin Tarentino

L’auteur de « Pulp fiction », couronné à Cannes il y a déjà treize ans, nous gratifie d’un film « Grindhouse » (du nom de la chaîne de cinémas qui, dans les années soixante, programmait des doubles séances de films bon marché).

Stuntman Mike (Kurt Russel en méchant de BD) est un serial killer d’un genre particulier : il tue à la chaîne les bimbos texanes de la région d’Austin avec sa voiture de cascadeur, en provoquant des accidents d’une brutalité inouïe. Mais, il trouvera ses maîtres, ou plutôt ses maîtresses, sous la forme d’un trio de jolies cascadeuses qui le réduisent en bouillie à la suite d’une course-poursuite d’anthologie. C’est drôle, violent, décalé, mais au final, il faut bien avouer que ça ne casse pas trois pattes à un canard. Qu’il est loin le Tarentino de « Kill Bill » !


Le scaphandre et le papillon de Julian Schnabel

L’histoire vraie de Jean-Dominique Bauby, rédacteur du magazine Elle, paralysé à la suite d’un accident cérébral, et qui trouve assez de ressources pour écrire un livre et dicter le texte en clignant de son œil valide.

La première demi-heure (le réveil du malade en caméra subjective) est insoutenable. Bauby, paralysé mais tellement lucide, comprend petit à petit ce qui lui arrive, et le spectateur est au bord du malaise physique (c’était mon cas). La suite est plus classique, puisque le réalisateur filme Mathieu Amalric jouant Bauby (la sempiternelle performance d’acteur à la « Rain man ») sans toujours échapper aux lieux communs et à un style parfois lelouchien.

Effrayant dans sa première partie, convenu ensuite, je ne suis pas sûr qu’il faille recommander ce film.

20 mai 2007

D'Angelopoulos à Zimou

La correction de plus en plus massive de copies universitaires, la préparation du Conseil municipal de la semaine prochaine et la mise sur orbite de la campagne dans la deuxième circonscription rendent les échappées cannoises de plus en plus difficiles. Mais, en ce beau dimanche de mai, j’arrive à « sauver » deux films : « Téhilim » du franco-israélien Raphaël Nadjari et surtout « Chacun son cinéma », une énorme friandise pour cinéphile cannois.


Chacun son cinéma (trente-trois réalisateurs de vingt-cinq pays : le gratin du cinéma mondial)

Pour fêter dignement le 60e anniversaire, la direction du Festival a demandé à trente-trois cinéastes de faire chacun un petit film de trois minutes sur le thème suivant : les spectateurs arrivent dans la salle et la magie du cinéma commence à opérer...

Pendant deux heures, on passe du rire aux larmes (je vous assure que ce n’est pas un cliché), on est souvent intrigué, parfois étonné, quelquefois bluffé… et l’on se dit tout simplement : le cinéma que c’est beau ! Que c’est bon !

Mon petit palmarès perso ? Incontestablement, la séquence de Nanni Moretti intitulée (on s’en serait douté) « Journal d’un spectateur ». Un mini mais authentique Moretti : assis dans une salle de cinéma, Nanni se contente de raconter ses souvenirs de spectateur comme, par exemple, son attirance quasi fétichiste pour les… orteils d’une actrice ! Inénarrable !!!

Angelopoulos, lui, nous organise une rencontre à la fois morbide et émouvante entre un Mastroianni qui est déjà depuis quelques années de l’autre coté de l’écran et une Jeanne Moreau sans fard qui lui explique qu’elle ne tardera pas à le rejoindre.

On peut aussi citer le cow-boy des frères Coen amateur de cinéma turc, un petit chef d’œuvre gore signé Lars Von Trier, les tribulations de Elia Suleiman et de sa Peugeot, la gaieté des héros de Walter Salles qui confondent Gilberto Gil avec Gilles Jacob !

Cela dit à travers ces trente-trois petits films, on peut s’amuser à rechercher les sources d’inspirations de nos cinéastes contemporains. Pour ma part, j’en ai relevé deux au cours de cette première vision : les grands maîtres italiens (Fellini notamment ) et François Truffaut (nos joyeux brésiliens pensant que « Les 400 coups » est un film porno !). Mais je compte bien en trouver d’autres à partir de vendredi le jour où « Chacun son cinéma » sortira en DVD.


Tehilim de Raphaël Nadjari

Un père de famille disparaît mystérieusement dans un accident de voiture et, deux jours après « Les chansons d’amour », nous avons un autre film sur l’absence de l’être cher. L’épouse, le fils ado, le fils cadet, chacun tente de faire face comme il peut. Nous ne sommes plus boulevard Richard Lenoir, comme les héros de Christophe Honoré, mais dans une famille juive de Jérusalem. La gesticulation existentielle n’est donc pas tout à fait la même (la religion prend le relais du sexe), mais la béance de l’âme est identique.

Les jeunes acteurs sont très émouvants, ils seront donc chaleureusement applaudis par le public. Comment faire autrement ? Mais globalement le film est très austère. Trop peut-être.

19 mai 2007

La brute bute le bon et le truand


Deux films au programme de cette quatrième journée de Festival : la dernière production des frères Coen et un film coréen.

No country for old man, de Joël et Ethan Coen

Un braconnier texan (Josh Brolin) découvre dans le désert une demi-douzaine de cadavres et une valise de dollars, le tout probablement lié à un trafic de drogue avec le Mexique. En voulant s’approprier le bien d’autrui, le pauvre homme va déclancher une explosion de violence doublée d’une course-poursuite infernale entre lui-même, les commanditaires du trafic, des tueurs plus ou moins free lance, et le débonnaire shérif du coin (Tommy Lee Jones à peine revenu de ses « Trois enterrements »). Mais le pire de tous, celui qui mène le jeu, est un tueur psychopathe (Javier Bardem, impressionnant), qui élimine à tours de bras, presque pour le plaisir, tous ceux qui se mettent sur son chemin. Petite particularité, il massacre ses victimes avec un pistolet à pression qu’on utilise généralement dans les abattoirs pour tuer le bétail. L’effet est spectaculaire et Tarentino a probablement dû faire une jaunisse de ne pas avoir eu cette idée ! Au final, tout le monde y passera, Anton Chigurh, le psychopathe, éliminera tous les protagonistes de l’histoire saut le shérif débonnaire qui pourra prendre une retraite pas tellement méritée.

En fait, les frères Coen revisitent le western spaghetti : même passion pour les gueules et les trognes, même goût de la violence stylisée, même fascination pour les déserts surchauffés, même humour (« – Si je meurs, dis à ma mère que je l’aime. – Mais ta mère est morte ! – Alors je lui dirai moi-même »). Même si, chez eux, la brute l’emporte haut la main, en éliminant les bons et les truands.

Un film jubilatoire, mais peut-être un peu trop parodique pour être à la hauteur de son ambition affichée.


Soom, de Kim Ki-Duk

Après la conseillère générale du 7e canton lors de la cérémonie d’ouverture, j’ai à nouveau à mes côtés une Niçoise célèbre : la talentueuse Sophie Duez. Juste le temps d’évoquer la difficulté d’exister artistiquement quand on a décidé de faire une carrière en province, et nous voilà déjà plongés dans l’enfer des relations matrimoniales coréennes.

Monsieur Yeon est un goujat. Il trompe sa femme sans se cacher, tout en exigeant que celle-ci soit une épouse et mère modèle. Madame Yeon, forcément, pète les plombs et décide de séduire un condamné à mort afin de se prouver qu’elle peut encore compter aux yeux de quelqu’un. Ce qui donne quelques scènes incongrues mais d’une beauté sidérante, comme ces rendez-vous au parloir que la dame décore préalablement et successivement aux couleurs des quatre saisons.

Tout finira bien. Monsieur Yeon, un brin jaloux, va retrouver le droit chemin et, après quelques galipettes carcérales, Madame Yeon va renvoyer le prisonnier à la concupiscence de ses voisins de cellule avant de rejoindre elle aussi le giron familial. Ce qui donne une scène finale d’anthologie : la petite famille chantant à tue-tête dans la voiture le célèbre « Tombe le neige » d’Adamo… en coréen, bien sûr !

Un cinéma imaginatif, dérangeant, mais un peu trop excessif pour vraiment toucher. Cela dit, les acteurs et le metteur en scène seront à la fin de la séance gratifiés de la plus belle standing ovation depuis le début du Festival. Alors, wait and see…

18 mai 2007

Crise existentielle chez les bébés bobos


M’étant engagé à marier cette après-midi Lydie et Michel, deux sympathiques quinquagénaires du quartier du Parc Impérial, mon passage à Cannes pour cette troisième journée du Festival sera extrêmement bref : exactement une heure trente-cinq, la durée du premier film français en compétition.

Les chansons d’amour de Christophe Honoré

Présenté comme une comédie musicale, le film est en réalité bâti sur un scénario classique entrecoupé de chansons. De chansons d’amour d’ailleurs plutôt réussies. L’histoire commence comme un marivaudage un peu vain entre bébés bobos à la sexualité incertaine. Mais très vite, à la suite de la mort accidentelle de Julie (Ludivine Sagnier), tout bascule et ce si petit monde est brusquement confronté à l’absence, aux remords, et aux lendemains qui ne chantent plus. Chacun réagit à sa manière, s’interroge sans fin, pour finir à réapprendre à vivre. Mais revenir de deuil, c’est un peu comme revenir de voyage : Ismaël (Louis Garrel), l’anti-héros de l’histoire, sorte de fils naturel d’Antoine Doinel, en fera l’expérience. Il ne sera plus jamais le même homme.

Du jeune cinéma français, sincère et ambitieux : on en redemande.

17 mai 2007

Otilia et Gabita


Après une matinée bien remplie par une ultime « conférence de rédaction » autour du quatre pages législatifs de Dominique et la correction de quelques dizaines de copies de droit public, je retrouve avec bonheur Cannes, le tapis rouge et le Grand théâtre Lumière. Au programme du jour, un film roumain et le premier film américain.

4 mois, 3 semaines et 2 jours (4 luni, 3 saptamini si 2 zile) de Cristian Mungiu

Etudiante à Bucarest sous le régime de Ceaucescu, Gabita est enceinte et, avec l’aide de son amie Otilia, décide d’avorter clandestinement.

Cristian Mungiu filme, avec un réalisme plus accusateur que complaisant, la descente aux enfers de ces deux jeunes filles. Une descente aux enfers qui est une illustration à peine surlignée de la réalité des sociétés communistes en général et de la Roumanie de Ceaucescu en particulier. Le pire de ces régimes n’était pas ce qu’on dénonçait généralement en occident (la censure, la police politique, les frontières infranchissables…), mais plutôt l’extrême dureté des rapports humains. Le communisme – et c’est un paradoxe – avait réussi à transformer la vie quotidienne en une mini guerre civile de tous contre tous, une sorte de stalino-darwinisme âpre et violent. Ainsi, quand l’avorteur exige deux passes pour prix de l’opération, on a une petite idée de la cruauté de cette société, où le moindre concierge d’hôtel est la réplique miniature du Conducator. Heureusement, l’amitié si forte et si belle qui unit Otilia, l’autodidacte lucide, à Gabita, la femme-enfant, rappelle qu’il ne faut jamais complètement désespérer de l’espèce humaine.

Et tous les arguments politiques et économiques du monde ne me feront jamais regretter d’avoir été de ceux qui ont toujours souhaité que la Roumanie rejoigne l’Europe. Pour qu'Otilia et Gabita retrouvent le sourire.


Zodiac de David Fincher

Il s’agit de l’histoire vraie d’un serial killer qui a terrorisé San Francisco à la fin des années soixante. A l’inverse du De sang froid de Truman Capote, Fincher ne s’intéresse pas vraiment au criminel mais plutôt aux journalistes et aux policiers qui développent une véritable névrose pour retrouver celui qui les nargue depuis si longtemps. Le film est américain, il n’est pas hollywoodien. Refusant tout effet spectaculaire, il se présente sous la forme d’un quasi documentaire de deux heures et demi. C’est long, très long.

Mes nuits bleu myrtille

Photo Patrick Mottard

Ce soixantième festival de Cannes commence par une grande leçon d’humilité. En effet, lorsque gravissant innocemment les célébrissimes marches, vous êtes pris à partie par une cinquantaine de photographes hurlant, vociférant, éructant, en vous intimant l’ordre de disparaître parce que vous avez eu le mauvais goût de vous interposer entre eux et une starlette en robe rose bonbon, vous vous dîtes que la notoriété chèrement acquise du côté de la place de la Libé et du Saleya, ne pèse pas lourd sur la Croisette un soir d’ouverture…

Cette épreuve surmontée, nous assistons à une cérémonie minimaliste avec toutefois, au final, un de ces petits moments d’émotion comme sait le distiller parfois le Festival. En effet un frisson parcourt l’assistance quand la compétition est officiellement ouverte par un couple étrange composé du presque centenaire Manuel de Oliveira et de l’énigmatique Shu Qi. Un frisson que nous partageons volontiers.

Mais l’essentiel, bien sûr, à Cannes, c’est le cinéma et le cinéma, ce soir, c’était, en présence des acteurs et du metteur en scène, le film d’ouverture.

My blueberry nights de Wong Kar Wai

Le film était attendu. Il ne le fut pas en vain.

Tout commence par un huis clos façon In the mood for love à Manhattan qui s’aère, après le premier tiers du film, en une sorte de road-love movie à travers les Etats-Unis.

Dès les premières images, nous avons compris que l’héroïne, Elisabeth (émouvante Norah Jones) va succomber au charme du barman Jérémy (séduisant Jude Law). Mais la demoiselle, qui doit, auparavant, liquider les stigmates d’une rupture douloureuse, se lance dans un périple qui la mènera de New-York à Menphis et de Menphis à Vegas. Ce périple lui permettra, à travers quelques destins individuels (un policier tourmenté et sa femme qui l’a quitté, une hallucinante joueuse de poker qui a des comptes à régler avec son père) d’entamer une profonde exploration d’elle-même qui lui permettra de comprendre qu’on n’existe que grâce, par, et avec les autres. Tous les autres.

La mise en scène, comme toujours chez Wong Kar Wai, est à la fois pleine de virtuosité et exempte de maniérisme. La bande sonore et les acteurs sont épatants.

Un film quelque peu initiatique où le spectateur apprend plein de choses comme l’importance de l’amour dans l’aventure humaine, l’utilité de la tarte aux myrtilles pour colmater les bleus à l’âme et la nécessité de ne jamais jeter les clés perdues pour que les portes ne soient pas fermées pour toujours.

15 mai 2007

Les niçois tunisiens

Ils sont pieds-noirs tunisiens, italo-tunisiens, franco-tunisiens, tunisiens « tout court », juifs tunisiens, mais peu importe les origines, l’histoire personnelle ou la situation administrative, ce sont les niçois tunisiens. Et ils sont nombreux. Qu’on en juge.

Vendredi soir, nous sommes les invités de deux familles franco-tunisiennes de Vernier. Samedi matin, à l’inauguration de la permanence de Dominique, on peut remarquer qu’ils sont nombreux dans le staff de la candidate. Lundi, à la fac, dans mon amphi, on en retrouve un nombre substantiel parmi les étudiants. Lundi, 15 heures, je procède au mariage de Nozha et Maher. Nozha est une franco-tunisienne née à Nice, Maher, un néo-niçois tunisien « tout court ».

Effectivement les niçois tunisiens sont nombreux, très nombreux. Et c’est heureux. Synthèse parfaite de l’exubérance italienne et de la sérénité orientale, les niçois tunisiens se sont donnés une mission : au delà de tout communautarisme, ils portent un message de tolérance. Une tolérance tout enveloppée de joie de vivre et qui s’enracine dans l’histoire de la société tunisienne. Dans leur Histoire.

13 mai 2007

Serbia… twelve points

Après une chaleureuse soirée tunisienne rue Miollis et la revigorante inauguration du local de campagne de Dominique, le week-end semble se présenter sous de meilleurs auspices que le précédent. En effet, ce soir, la télévision nous propose le grandiose concours eurovision de la chanson et j’avoue avoir une tendresse particulière pour cet événement.

Bien sûr, comme chaque année, les esprits forts vont dire que cette soirée est un sommet de ringardise. C’est ce qu’on disait déjà il y a dix ans… trente ans… cinquante ans (le premier concours a eu lieu le 24 mai 1956 à Lugano). En fait, cette manifestation n’est pas ringarde, elle est décalée : c’est un OMNI, un objet musical non identifié. En réalité, l’Eurovision fait partie de notre vie, car comment ne pas être envahi par une tendre nostalgie en évoquant les pieds nus de Sandy Show, la Poupée de son, Non ho l’éta, les faux punks, les vrais Abba, les Mike Brant scandinaves, les Elvis maltais, l’Oiseau et l’enfant, Warum-warum, Ding-dinge-dong, Céline Dion classe biberon, et surtout les interminables séances de classement : Luxemburg… ten points, Cyprus… twelve points. Il est vrai que l’honneur national est mis à mal ces dernières années. Qu’on en juge : Louisa Baïleche, dix-huitième en 2003, Jonatan Cerrada, quinzième en 2004, Ortal, vingt-troisième en 2005, et Virginie Pouchain, vingt-deuxième en 2006. Pas vraiment un fabuleux destin (excusez-moi, je n’ai pas pu m’empêcher !). Même l’équipe olympique de curling a de meilleurs résultats.

Mais peu importe, c’est le cœur plein d’espoir que nous avons suivi le cru 2007 (à Helsinki, puisque un groupe de hard rock finlandais assez croquignolet avait gagné l’an dernier). Du boys’band espagnol au glamrock suédois, de la Moldave gothique à la blues woman hongroise, nous avons eu droit au traditionnel défilé baroque. Au final, mon tiercé était : 1- Serbie, 2- Slovénie, 3- Irlande… Bonne pioche au moins partielle puisque la Serbie gagne haut la main avec une chanteuse qui ressemble à Juliette et une chanson (« Prière ») aussi belle que serbo-croate. Et les Français me direz-vous ? Vingt-deuxième sur vingt-quatre, comme dab. A l’année prochaine.

08 mai 2007

Why not ?

Les instances parisiennes du PS ont tranché : il n'y aura pas de Monsieur X ou de Madame Y pour conduire la campagne des socialistes, mais un collectif autour du Premier secrétaire. Je ne suis pas persuadé que cette option soit la meilleure pour enclencher une dynamique. Mais je peux me tromper. Alors, pourquoi pas ?

Pour ma part - et depuis de nombreux mois déjà - j'ai décidé de ne pas être candidat à ces élections. Tout d'abord, la présidence de Nice plurielle et la préparation des Municipales constituent un travail à plein temps. Enchaîner une deuxième campagne après les Présidentielles n'aurait pas été raisonnable. Mais au-delà de ce constat objectif, j'ai voulu faire passer un message : il faut arrêter d'être candidat à tout, tout le temps. « Faire de la politique autrement » ne doit pas rester un slogan.

De fait, je suis entièrement disponible pour les copains (et copines). Dire que je n'ai pas une légère préférence pour la 2e circonscription et sa candidate serait mentir... et mentir, ce n'est pas bien ! Mais je suis évidemment disponible pour aider s'ils le souhaitent les autres candidats et plus particulièrement Patrick Allemand, Paul Cuturello et Elodie Jomat, les candidats niçois. C'est que maintenant, c'est à eux de jouer. Pour les encourager, je citerai Giono, comme je l'ai fait samedi dernier devant Virginie et Yoann, mes cent trente-et-unièmes mariés : « Le soleil n'est jamais aussi beau qu'un jour où l'on se met en route ».

Ça tombe bien, le soleil est revenu sur Nice.

07 mai 2007

Monsieur X

A la permanence de Cyrille Besset, les résultats viennent de tomber...

53,2% : Nicolas Sarkozy, Président de la République.

Le coup est rude.

Le candidat le plus contesté et le plus contestable de la droite réalise au final le rassemblement de sa famille le plus large depuis le Général De Gaulle (bien sûr, on excepte 2002).

Mes premières pensées vont à tous ces militants, à tous ces sympathisants qui se sont dépensés sans compter depuis plusieurs mois.

Elles vont également à tous ceux, habitants des banlieues, chômeurs, travailleurs précaires, homosexuels, qui attendaient que la gauche leur rende la vie meilleure.

Elles vont bien sûr aussi à Ségolène Royal qui n’a cessé de s’améliorer tout au long de la campagne, payant de sa personne avec une volonté qui force le respect.

Le temps viendra, et il faudra qu’il vienne le plus tôt possible, où nous aurons à nous interroger sur notre campagne, notre stratégie, notre programme, en n’oubliant pas qu’il y a trois ans, avec les mêmes médias, le pays nous avait offert un grand chelem régional.

Mais, ce soir, nous devons immédiatement nous remobiliser. En effet, si le militant a le droit d’être déçu, voire un peu désespéré (au diable la langue de bois), il n’en a pas le temps.

C’est que sous la Ve République, le pouvoir est bicéphale : mi-présidentiel, mi-gouvernemental. Nous venons de perdre la première mi-temps, nous devons, si nous ne voulons pas d’un Etat UMP, rééquilibrer les choses au cours de la deuxième.

Il faut être clair. Même si le résultat de ce soir est loin d’être un atout, gagner les Législatives n’est pas hors d’atteinte et nous permettrait quand même de mener notre politique. Comme Jospin a pu le faire de 1997 à 2002.

C’est dire si le choix de la personnalité qui va devoir mener bataille avant de diriger éventuellement un gouvernement de cohabitation est crucial. Pour ma part, les péripéties de ces derniers mois, les rapports de force issus du premier tour, rendent le nom d’un camarade particulièrement évident. Pensez-vous au même Monsieur X que moi ?

04 mai 2007

Soixante-huit chandelles

Vidéo de l'intervention de Dominique Boy-Mottard sur son site de campagne.

Emotion palpable ce soir à Acropolis pour le dernier meeting de campagne. Dominique saluera la mémoire de Jean-François Knecht : les huit cents personnes applaudissent longuement celui qui est encore dans tous les esprits et dans tous les cœurs.

Au-delà de ce moment privilégié, c’est au spectacle physique du rassemblement de la gauche que nous assistons. Je peux ainsi applaudir mes coéquipiers de Nice plurielle, Mari-Luz Nicaise pour les Verts et Bruno Della Sudda pour les comités Bové. C’est comme militant et responsable communiste que s’exprime Jean-François Téaldi. Au fil des interventions et des messages, on peut relever les soutiens de Sauvons la Recherche, des syndicats, du PRG, du MDC, du syndicat de la magistrature… et de Ben. Tous communient dans l’espoir de la victoire de notre France, la France de Jean Ferrat, citée en conclusion par Dominique dans son discours. Cette France, c’est celle dont l’air de liberté donne le vertige aux peuples étrangers, c'est celle qui ne possède en or que ses nuits blanches pour la lutte obstinée de ce temps quotidien, c'est celle qui tient l’avenir serré dans ses mains fines, c'est celle de trente-six à soixante-huit chandelles.

Soixante-huit chandelles, n’en déplaise à Monsieur Sarkozy.

On peut voir les vidéos d'un certain nombre d'interventions (Dominique Boy-Mottard, Mari-Luz Nicaise des Verts, Michel Rainelli de Sauvons La Recherche, Jean-François Téaldi du PCF) lors de ce meeting sur le blog du Poisson Zèbre.

03 mai 2007

Débat télévisé du 2 mai 2007 : la challenger à l’attaque…

Les militants attentifs au 3, avenue Cyrille Besset

Sur la forme.

Avec quelques points d’avance avant le dernier round, Sarkozy devait gérer. Dans la position de challenger, Ségolène devait attaquer. Elle attaqua donc. Sur la sécurité, sur la moralité politique, sur l’enseignement, sur le chômage, elle attaqua. Après avoir longtemps esquivé, Sarkozy accepta quelques corps à corps. Il n’en sortit pas toujours intact.

Sur le fond.

En défendant tout au long du débat un véritable projet de gauche, on était loin de la Ségolène Royal floue et parfois ambiguë du débat interne. Sarkozy, par contre, fut beaucoup plus lisse par rapport à son véritable projet autoritaro-libéral. Comme s’il ne voulait pas inquiéter.

Du coup, si le débat fut souvent intéressant, il ne fut pas très pédagogique. Regrettable, mais prévisible.