12 décembre 2006

Karin Tak vote

Dimanche. Dès huit heures, en ce jour de référendum constituant, avec Didier, collaborateur du Conseil de l’Europe, mon binôme, Araïc, notre chauffeur, et Christina, notre interprète, nous partons sur les routes accidentées et parfois glacées du Haut Karabagh en Niva 4x4.

Notre mission d’observation nous conduit d’abord dans la ville de Shoushi, véritable petit Vukovar à moitié détruit par les bombardements azéris de la décennie précédente. Au détour d’un bureau de vote, nous rencontrons une délégation parlementaire de Transnistrie, ce qui, à la lumière de nos mésaventures estivales, a une saveur particulière.

À Karin Tak, la « ville sous les pierres » (en réalité sous une falaise), des hommes encore jeunes nous expliquent comment, en 1992, ils ont repoussé l’offensive de près de deux mille Azéris. Le Tableau des Martyrs montre à quel point cette bataille de douze heures a été meurtrière. Mais aujourd’hui, Karin Tak vote et c’est la fête au village.

Puis ce sera Ajgestan, Khachen, Vank. Au passage, nous visitons l’église du XIIIe siècle de Gandzasar, une église typiquement arménienne qui semble sortir de Calendar, le plus beau des films d’Atom Egoyan.

À Kischan, Christina nous montre les ruines de sa maison familiale détruite par la guerre. Enfin, ce sera Nor Ghazanchi et Askeran. Régulièrement, j’amuse mes interlocuteurs en leur racontant nos péripéties électorales dans le 7e canton de Nice… L’accueil est partout chaleureux, dans des écoles dignes de La gloire de mon père ou de salles de spectacles ambiance Kusturica. Dans l’une d’elles, on se lave les mains à la vodka… Assurément, une première ! De bureau en bureau, nous constatons que le déroulement du scrutin est formellement satisfaisant. En fin de journée, Didier aura toutefois un échange viril mais correct, comme on dit dans L’Equipe, avec un solide quinquagénaire moustachu qui s’avèrera être le Vice ministre de l’Agriculture.

À partir de vingt heures, dans le plus grand cinéma de Stepanakert, les premiers résultats tombent. Le Oui l’emporte largement, mais la participation reste modérée ce qui est un gage de sincérité. Sincérité : c’est le terme que j’emploie lorsque je suis interviewé par la radio nationale, tout en rappelant que nous n’avions pas à juger de l’opportunité du scrutin. C’est d’ailleurs cette ligne de conduite qui nous amènera à refuser de signer le document préétabli par la Présidence au profit de nos propres conclusions.

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